L’Angola, nouvelle porte d’entrée des Occidentaux en Afrique
9 mai 2025
9 mai 2025
Cette semaine, dans les Cartes en mouvement, Delphine Papin s’intéresse à l’Angola, la nouvelle porte d’entrée des Occidentaux en Afrique.
Ce pays est idéalement placé : il a une ouverture directe sur l’Atlantique, une position clé entre l’Afrique centrale et australe, et surtout… il est en train de s’éloigner de l’influence chinoise.
Cette semaine, notre carte est centrée sur l’Afrique australe. On y voit trois pays étroitement liés par la géographie et par les enjeux économiques.
L’Angola d’abord, dispose d’un atout majeur : une large ouverture sur l’océan Atlantique véritable porte de sortie vers les marchés internationaux.
Au nord de l’angola se trouve la République démocratique du Congo et plus à l’est, la Zambie. Ces deux pays bénéficient d’un sous-sol exceptionnel avec du cuivre, du cobalt… des matières premières devenues essentielles pour la transition énergétique : pour nos batteries, panneaux solaires, semi-conducteurs…
bref cette zone de minerais stratégiques est en quelque sorte l’actuel coffre fort de l’Afrique.
Tout l’enjeu est de savoir comment on fait sortir du continent, le contenu de ce coffre fort ? Les zones minières de RDC et de Zambie sont à peu près à égale distance de la côte atlantique et de celle de l’océan indien.
Aujourd’hui, pour les exporter, on doit les acheminer par camion et par rail vers des ports très éloignés, au Mozambique ou en Afrique du Sud, des trajets qui prennent parfois plus d’un mois. Donc, pour répondre à une demande industrielle en pleine hausse, il est nécessaire de trouver des voies plus rapides.
Le premier axe que vous voyez tracé en bleu sur la carte est l’axe privilégié par les Occidentaux : c’est le “corridor de Lobito”. Ce corridor suit le tracé du chemin de fer de Benguela, construit entre 1902 et 1929, à l’époque où l’Angola était encore une colonie portugaise.
Il part du port de Lobito, sur la côte Atlantique. Il traverse les plateaux angolais, des savanes, des forêts, franchit les frontières de la République démocratique du Congo, puis de la Zambie, et rejoint les régions riches en minerais de ce qu’on appelle la Copperbelt, la ceinture du cuivre.
Et depuis peu, ce sont les Européens et les Américains qui ont remporté le marché au dépens des Chinois pourtant bien implantés en Angola.
C’est donc une belle prise pour les Occidentaux surtout quand on sait à quel point les infrastructures jouent un rôle déterminant dans les influences géopolitiques en Afrique. Et si les Occidentaux y sont parvenus, c’est avant tout parce que l’Angola veut sortir de la dépendance de la Chine, indissociable de l’ère José Eduardo dos Santos, président de l’Angola entre 1979 et 2017.
L’Angola a été l’un des premier pays africains à avoir emprunté auprès de Pékin, en 2002, au lendemain de la guerre civile. Il est aussi l’un des premiers à se retrouver pris au piège de la dette.
Sur 45 milliards de dollars de prêts chinois, il doit encore s’acquitter de 17 milliards, ce qui fait de ce pays l’un des principaux débiteurs africains.
Grâce à ces prêts chinois, l’Angola a financé des infrastructures parfois. démesurées, comme son nouvel aéroport international de Luanda. Un aéroport prévu pour accueillir 15 millions de passagers, dans un pays où les habitants peinent à se déplacer vers la ville voisine faute d’un reseaux routier viable.
Luanda a garanti ces prêts chinois non pas par des billets, mais par des barils de pétrole, car l’Angola est un des premiers pays pétroliers d’Afrique. Mais avec la baisse des cours du pétrole, la situation est préoccupante, et l’Angola consacre plus d’un quart de ses recettes publiques uniquement au paiement des intérêts de cette dette. C’est pour cette raison que Luanda veut s’extraire du giron de Pekin.
La Chine soutient désormais la modernisation d’un autre axe ferroviaire, la ligne Tazara, qui relie la Zambie au port tanzanien de Dar es-Salaam.
Cette ligne avait été construite par la République populaire chinoise de Mao Tsé Dong dans les années 1970, pour créer une voie d’exportation vers la Chine pour les minerais des Etats africains nouvellement indépendants.
En 2024, la Chine, la Tanzanie et la Zambie ont signé un accord pour la réhabiliter, Et ce corridor est en compétition directe avec le corridor de Lobito.
Donc, en résumé : deux corridors, deux visions du développement… et une Afrique au centre d’un nouveau jeu d’influences mondiale, d’autant que l’on est dans un moment ou sur le continent africain les influences se redessinent.
Après avoir lancé en 2013 son ambitieux projet des nouvelles routes de la soie, la Chine, on l’a vu, a étendu son influence sur le continent à coups de prêts et de chantiers d’infrastructures.
Au Sahel, les Occidentaux sont de plus en plus mal vus. La France a été chassée de ce qu’elle considérait son pré carré, et se voit remplacer par la Russie.
Et en Afrique du Sud aussi, les relations avec la Russie se renforcent.
L’Angola, lui, apparaît comme une exception : une terre d’ouverture, une nouvelle porte d’entrée pour les Européens et pour les Américains qui s’étaient désengagés du continent depuis les années 1990.