Commerce mondial, hydrocarbures, pêche: pourquoi le canal du Mozambique est «une zone stratégique»
25 avril 2025
25 avril 2025
La tournée d’Emmanuel Macron dans l’océan Indien (Mayotte, La Réunion, Madagascar) met en lumière l’importance stratégique du canal du Mozambique. Ce long bras de mer 1 500 km qui sépare le continent africain de Madagascar concentre des intérêts politiques, énergétiques et commerciaux. Jean-Marc Balencie, expert de la région pour le cabinet de conseil Attika Analysis et auteur du blog « Horizon 2035 », décrypte les enjeux autour de cette zone maritime disputée.
RFI : Le canal du Mozambique est souvent mentionné comme une route maritime stratégique pour le commerce international. Est-ce effectivement le cas, et pourquoi ?
Jean-Marc Balencie : Oui, effectivement, c’est redevenu une route stratégique, car, suite aux tensions en mer Rouge [les attaques par les rebelles houthis du Yémen contre des navires à partir d’octobre 2023, NDLR] une grande partie du trafic international passant par le canal de Suez a été détournée et est maintenant obligée de contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Ce qui a entraîné une augmentation du trafic maritime via le canal du Mozambique, venant notamment du Moyen-Orient, du sous-continent indien ou du détroit de Malacca. Ce canal permet d’accéder à l’Atlantique et aux marchés d’Amérique latine, d’Amérique du Nord ou d’Europe.
Peut-on dire que contrôler le canal du Mozambique, c’est contrôler une partie du commerce maritime international ?
C’est peut-être un peu exagéré. Il est facile de contourner ce canal en passant à l’est de Madagascar pour les navires en provenance du détroit d’Ormuz ou d’Asie. Donc, même si ce canal raccourcit les délais [de navigation], ce n’est pas un enjeu majeur à l’échelle internationale.
L’enjeu reste essentiellement la sécurité du trafic maritime. Par exemple, aux grandes heures de la piraterie somalienne, les pirates étaient descendus pratiquement jusqu’à l’entrée du canal du Mozambique. Il y avait des craintes qu’ils y arrivent. Aujourd’hui, cette menace a quasiment disparu, mais le véritable danger pourrait venir de changements politico-juridiques du droit maritime avec des pays riverains cherchant à étendre leur souveraineté sur ces espaces, imposant potentiellement des restrictions au trafic maritime.
Quels pays dominent cette région actuellement ?
La France est présente grâce à Mayotte et aux îles Éparses, et dispose d’une présence militaire via La Réunion – avec des moyens navals qui patrouillent assez régulièrement. Ces îlots permettent de disposer de zones économiques exclusives (ZEE) riches en ressources halieutiques et potentiellement en hydrocarbures.
L’Afrique du Sud également est un acteur relativement important, elle a déployé des moyens jusqu’en Tanzanie au moment où la menace des pirates somaliens était arrivée à son apogée.
On constate également la présence de bâtiments indiens qui patrouillent dans l’océan Indien central, qui souvent font escale aux Seychelles, à Maurice. Assez récemment, il y a eu d’importantes manœuvres organisées par la marine indienne avec un certain nombre de marines africaines régionales dans la zone.
On notera également quelques présences de bâtiments chinois, de manière plus ou moins régulière, et une forte présence de la marine américaine, mais beaucoup plus au nord – au débouché de la mer Rouge et en mer d’Arabie, à proximité du détroit d’Ormuz, donc.
En quoi ce canal est-il particulièrement stratégique pour la France ?
Actuellement, pour la France, le véritable enjeu, c’est de préserver sa souveraineté au niveau de Mayotte [face aux Comores] et surtout au niveau des îles Éparses, face aux menaces malgaches, qui sont relativement limitées étant donné que le gouvernement malgache a d’autres priorités actuellement, et éventuellement les menaces qui pourraient provenir de certains pays riverains comme le Mozambique ou la Tanzanie, même si cela jusqu’à présent n’a pas réellement été formulé.
Mais si les découvertes de gisements d’hydrocarbures devaient se confirmer, il y aurait sans doute une évolution de la donne et peut-être un regain de formulation de souveraineté de la part de ces États.