C’est à l’aune de cette vocation maritime partagée que l’on pourrait appréhender la projection atlantique de chacun des deux pays. Du côté du Brésil, il s’agit principalement de la ZOPACAS (Zone de paix et de coopération de l’Atlantique Sud), que le pays avait lancée en 1986 et qui regroupe 24 pays de part et d’autre de l’Atlantique. Pour le Maroc, les trois projets les plus emblématiques dans ce cadre sont le port de Dakhla-Atlantique et le corridor logistique au profit des quatre pays africains du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad); le gazoduc Nigéria-Maroc, dont la vocation est de connecter les installations énergétiques de 14 pays africains riverains de l’Atlantique; ainsi que le PEAA (Processus des États africains de l’Atlantique) que le Maroc avait lancé en 2020 et qui vise à stimuler l’intégration régionale de 23 pays de la façade atlantique de l’Afrique, à travers trois « corbeilles » : 1) la sécurité, 2) l’économie bleue, la connectivité maritime et l’énergie, et 3) le développement durable.
Assurément, l’affirmation, de part et d’autre de l’Atlantique, de la vocation maritime irréfragable du Maroc et du Brésil constitue un levier additionnel pour hisser le partenariat bilatéral Maroc-Brésil vers un palier stratégique et optimiser les atouts intrinsèques qui font la singularité de cette relation, à savoir des références historiques et humaines qui remontent au 19º siècle, un credo multilatéraliste constamment prôné par les diplomaties des deux pays et des intérêts économiques croisés en constante croissance. Des « avantages » que les diplomaties marocaine et brésilienne se sont déployées à mettre en valeur, depuis la visite d’Etat effectuée par Sa Majesté le roi Mohammed VI au Brésil, en novembre 2004.
Depuis lors, le Maroc et le Brésil sont parvenus à bâtir, sous le double sceau de la confiance et de l’ambition, une relation solide et robuste, une relation multi-acteurs et multi-secteurs, une relation qui s’est investie, avec un franc succès, dans les créneaux de la sécurité alimentaire et de la logistique aérienne et maritime. De même, la vocation maritime du Maroc et du Brésil viendra aussi capitaliser le cadre juridique bilatéral, qui s’est fortement enrichi ces dernières années, notamment pour les accords et conventions en matière de défense, de sécurité, de non-double imposition, de coopération douanière… Elle viendra tirer vers le haut la coopération technique bilatérale, principalement dans les secteurs des énergies renouvelables, de l’hydrogène vert et de l’océanographie.
En somme, il est de bon augure de constater que le Maroc et le Brésil convergent pleinement sur le fait que, pour mieux appréhender les nouveaux concepts de nearshoring, d’économie bleue et de souveraineté maritime qui s’imposent désormais dans la géo-économie, la dimension maritime est, plus que par le passé, une condition nécessaire pour asseoir la projection stratégique de chacun des deux pays, que ce soit au niveau régional ou global. Il est tout aussi heureux de constater que le statut de « global player » auquel ils aspirent, si légitimement, prend comme postulat de base la complémentarité de leur atout maître : la sécurité alimentaire (les fertilisants pour le Maroc et la haute productivité agricole pour le Brésil). Une ambition qui appréhende aussi, et avec le même intérêt, l’imbrication compétitive entre la terre et la mer, avec des corridors multimodaux interconnectés pour le Brésil et des plateformes de traitement logistique de standard international pour le Maroc (Tanger-Med et Dakhla-Atlantique).
Cette convergence de vues entre le Maroc et le Brésil résonne comme une réminiscence de l’histoire, du fait que les premiers contacts diplomatiques entre le Maroc et le Brésil remontent à 1860, suite au sauvetage, au large de Tanger, par des marins marocains de l’embarcation brésilienne « Donna Isabella ». De cet épisode naquit une relation d’estime et de cordialité entre les Maisons royales des deux pays, couronnée quelques années plus tard par l’ouverture de la première représentation consulaire du Brésil à Tanger. L’histoire singulière entre le Maroc et le Brésil, initiée il y a plus de 150 ans, écrira, de toute évidence, une nouvelle page, en ‘investissant pleinement dans l’Atlantique et en optimisant ses multiples atouts et attraits, de l’économie bleue à la pêche durable, de l’océanographie à la coordination sécuritaire…. L’horizon qui se profile est que le Maroc et le Brésil soient à lavant-garde d’une nouvelle articulation géopolitique de l’Atlantique et à la pointe d’une corrélation géoéconomique innovante entre les deux rives de cet espace au potentiel hautement prometteur.