Les « yeux » de la mer: Des algues océaniques perçoivent la lumière à l’aide d’un organe insoupçonné (CNRS)

 

Les diatomées, des algues marines planctoniques, possèdent des capteurs de variations lumineuses appelés « phytochromes ». Ces sortes « d’yeux » ont été découverts par des scientifiques du CNRS et de Sorbonne Université qui ont exploité la mine de données recueillies par les expéditions Tara Océan.

Le « poumon » de la Terre a lui-même des « yeux » ! Produisant par photosynthèse la moitié de l’oxygène sur notre planète, soit davantage que l’ensemble des forêts, le plancton végétal (phytoplancton) se répartit dans l’océan selon des mécanismes que l’on peine encore à saisir. L’un d’entre eux vient d’être identifié : il s’agit de la lumière.

Des scientifiques du CNRS et de Sorbonne Université l’ont découvert en étudiant les capacités sensorielles des diatomées. Ces minuscules algues brunes sont des « orfèvres en fabrication de verre à température ambiante », comme en témoigne leur squelette externe translucide aux formes et aux motifs immensément variés (Muséum national d’Histoire naturelle).

Publiée dans la revue Nature le 18 décembre 2024, l’étude menée par cette équipe française révèle en effet que ces organismes marins possèdent des capteurs de variations lumineuses, appelés « phytochromes » (communiqué).

 

 

Percevoir la lumière, là où la longueur du jour varie

 

Codifiés dans leur génome, ces organes leur permettent de détecter les changements du spectre lumineux dans la colonne d’eau et ainsi de les « informer sur leur position dans cette colonne », expliquent les chercheurs. Pourtant, ce n’est pas le cas partout !

Grâce à l’analyse des données génomiques recueillies à l’aide de prélèvements d’eau réalisés lors des expéditions Tara Océan, les auteurs de l’étude ont en effet remarqué que seules les diatomées des zones au-delà des tropiques du Cancer et du Capricorne semblent posséder des phytochromes.

Ces régions étant caractérisées par des « saisons marquées » et de « fortes différences de longueur du jour », les scientifiques en déduisent que cet organe aide probablement les diatomées qui en sont pourvues à « mesurer le passage du temps ».

Cette perception de la lumière s’avérerait ainsi « particulièrement importante » pour ajuster leur activité biologique – en particulier l’intensité de leur photosynthèse – dans des « environnements aquatiques changeants » soumis à d’importants brassages d’eau (hautes latitudes, régions tempérées et polaires).

 

Oxygène, azote, carbone… La révolution des diatomées

 

En apportant un « nouvel éclairage » sur la façon dont les algues se repèrent à l’aide de la lumière, l’étude met en évidence la nécessité de mener des recherches « intégrées », à la fois en laboratoire et en milieu naturel, pour « mieux appréhender les dynamiques complexes des écosystèmes océaniques » ainsi que la « capacité des organismes marins à répondre aux changements environnementaux » (communiqué).

 

Également grâce aux données recueillies lors des expéditions Tara Océan, des scientifiques ont récemment découvert que la diatomée Cylindrotheca closterium consommait de la matière organique en plus d’en produire elle-même – une information surprenante qui nécessitait selon les auteurs de « réécrire le cycle du carbone océanique » (juillet 2024).

Au printemps dernier, une équipe dirigée par l’Institut Max Planck de microbiologie marine avait mis au jour la symbiose entre une algue marine du groupe des diatomées et une bactérie Rhizobium. Ce couple d’organismes permettrait ainsi d’expliquer une grande partie de la fixation de l’azote dans l’océan, un processus crucial. Qui sait quelles surprises « l’orfèvre de l’océan » nous réserve encore ?

Source: GEO