De la Colombie à Zanzibar, une baleine à bosse bat le record de la plus grande distance parcourue

 
Un mâle, aperçu au large de la Colombie en 2013 puis de nouveau en 2022, près de Zanzibar, a entrepris le plus grand voyage de migration connu de cette espèce, affirme une étude publiée mercredi 11 décembre.

Trois océans, 13 000 kilomètres et une furieuse envie de voir le large. Une baleine à bosse a établi un record de distance parcourue, très probablement pour trouver un partenaire, dévoile une étude publiée mercredi 11 décembre dans la revue associée à la Royal Society de Londres.

Une équipe de scientifiques a identifié un mâle adulte, qui a traversé les mers depuis les aires de reproduction en Colombie, en Amérique du Sud, jusqu’à Zanzibar, en Afrique, de 2013 à 2022. Cette odyssée est la plus longue distance parcourue par l’espèce jamais enregistrée. Les scientifiques suggèrent que ce sont des facteurs liés à la reproduction et à l’environnement qui pourraient avoir poussé la baleine à entreprendre ce long voyage.

 

 

13 046 kilomètres

 

Pour déterminer les étapes de cette expédition, les experts ont examiné des photos sur Happywhale, une plateforme en ligne qui recueille des photos de nageoires caudales ou de queues de baleines, publiées par des scientifiques et des anonymes du monde entier. Le site utilise l’intelligence artificielle pour rapprocher automatiquement les individus similaires, ce qui permet de les identifier et de suivre leur périple.

Le mâle en question a donc été photographié pour la première fois au large du golfe de Tribugá, dans le nord du Pacifique colombien, le 10 juillet 2013, où il faisait partie d’un «groupe compétitif» de sept baleines à bosse. Le même animal a ensuite été aperçu au large de Fumba dans le canal de Zanzibar, dans le sud-ouest de l’océan Indien, le 22 août 2022. Soit à 13 046 kilomètres de l’endroit où il avait été repéré pour la première fois, neuf ans plus tôt.

Les chercheurs ont d’abord pensé qu’il y avait une erreur, explique Ted Cheeseman, cofondateur de Happywhale et l’un des auteurs de l’étude. Mais il a été confirmé qu’il s’agissait bien de la même baleine. Les scientifiques ont ensuite déterminé qu’il s’agissait d’un mâle car il était très actif dans les groupes d’accouplement avec lesquels il voyageait et à cause d’une photo de sa zone génitale.

Certaines populations de baleines à bosse, des animaux qui entreprennent l’une des plus longues migrations saisonnières connues de tous les mammifères, peuvent parcourir plus de 8 000 kilomètres entre leurs zones de reproduction des eaux tropicales et des régions plus froides, où elles trouvent de la nourriture. Ainsi, il n’est pas rare de remarquer certains de ces cétacés s’éloigner de leurs schémas de migration habituels.

 

 

Réchauffement climatique

 

Mais chose étonnante, ce mâle a traversé plusieurs groupes de populations entre son point de départ en Amérique du Sud et son point d’arrivée en Afrique, précise Ted Cheeseman. Autre particularité : il a entrepris ce voyage à l’âge adulte. En effet, lorsque les baleines à bosse atteignent la maturité, «elles suivent généralement des modèles très fixes et cohérents» de migration, détaille l’expert. «Cette baleine a fait quelque chose de totalement différent», remarque Ted Cheeseman.

Si les scientifiques ne savent pas exactement pourquoi la baleine s’est autant éloignée, l’étude suggère que le réchauffement climatique et d’autres changements environnementaux ont pu jouer un rôle, ainsi que la recherche de nourriture. Le document considère également que la croissance de la population des baleines à bosse – celles-ci ont bondi au cours des dernières décennies après avoir été décimées par la pêche commerciale – pourrait augmenter la concurrence entre les mâles. De quoi éloigner les animaux à la recherche de nourriture et de partenaires.

«Aucune baleine à bosse au monde ne vit dans les eaux d’un seul pays», a encore souligné Ted Cheeseman. «Il s’agit d’eaux internationales et multinationales. En tant que chercheurs et en tant que communauté soucieuse des océans, nous devons les gérer en conséquence», a plaidé l’expert. C’est-à-dire en les régulant mieux, pour les protéger contre les multiples dangers du changement climatique et de la surpêche.

Source: Libération