Pêche industrielle dans le Golfe de Guinée: les navires chinois accusés d’épuiser les ressources halieutiques
6 décembre 2024
6 décembre 2024
Des décennies de surpêche, de pratiques de pêche non durables et de pêche illicite ont mis à mal les ressources halieutiques dans le Golfe de Guinée. Si les acteurs de cet épuisement des stocks sont d’abord des navires étrangers, les opérateurs chinois sont accusés d’être les principaux acteurs de ce pillage.
2 500. C’est officiellement le nombre de navires en haute mer que revendique Pékin. Mais d’après la FAO, ce chiffre va jusqu’à 17 000, ce qui en fait la première au monde. Cette flotte de pêche hauturière a jeté depuis plusieurs décennies son dévolu sur les eaux du Golfe de Guinée qui sont parmi les plus poissonneuses au monde. Le mode opératoire est connu : le chalutage de fond.
Cette méthode consiste à traîner un filet de pêche le long ou très près du fond marin pour capturer des poissons vivant sur le fond. En d’autres termes, il s’agit d’une forme extrêmement destructrice de pêche qui rafle tout sur son passage.
Selon Greenpeace, plus de 400 bateaux de pêche chinois opèrent aujourd’hui au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest avec des captures générant un chiffre d’affaires de plus de 400 millions d’euros par an principalement à travers la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INN).
La zone ouest-africaine accueillerait à elle seule selon l’ONG, plus de 70 % des navires de pêche chinois disséminés le long des côtes en Afrique. La Fondation pour la justice environnementale (EJF) affirme qu’au moins 90 % des chalutiers industriels opérant au Ghana appartiennent ainsi à des sociétés chinoises.
Si pour les navires chinois, la pêche industrielle est une activité économique comme une autre pour les populations côtières, il s’agit d’un énorme manque à gagner.
En opérant illégalement à une distance relativement proche du littoral, les chalutiers industriels chinois sont ainsi en concurrence directe avec la pêche artisanale. Ceci alors que la pêche génère des revenus considérables pour les pêcheurs artisanaux, les femmes transformatrices qui fument ou sèchent les petits poissons ou les commerçants.
Selon le rapport, « Au point de rupture : comment le chalutage de fond précipite l’effondrement de la pêche artisanale au Sénégal », publié en octobre 2023 par la Fondation pour la justice environnementale (EJF), le chalutage de fond contrôlé notamment par les opérateurs chinois a déjà des impacts concrets sur le terrain.
D’après l’étude, 65 % des pêcheurs artisanaux interrogés ont indiqué gagner moins aujourd’hui qu’en 2018 et la majorité a remarqué une réduction du volume des captures durant ls 5 dernières années. Au Bénin, par exemple, les données officielles indiquent que les navires impliqués dans la pêche INN majoritairement chinois engendrent chaque année environ 2 milliards Fcfa de pertes économiques pour le secteur de la pêche qui fournit 3 % du PIB.
En plus de mettre en danger les revenus, les navires illégaux chinois menacent la sécurité alimentaire dans la région ouest-africaine en exportant massivement les espèces consommées localement.
« Ils [chalutiers chinois] déciment une zone spécifique des océans en saisissant le poisson des mains des pêcheurs artisanaux en Afrique de l’Ouest. Certains pêcheurs ne peuvent plus pêcher pour nourrir leur famille », a indiqué Vanda Felbab-Brown, co-directrice de l’initiative de la sécurité africaine à la Brookings Institution.
De son côté, l’EJF indique que 88% des pêcheurs et 93% des transformatrices ont fait état d’un accès plus limité au poisson pour leur propre consommation. Il s’agit d’une situation critique dans le pays de la Teranga où la contribution du produit à l’apport en protéines animales dépasse les 50 % soit un niveau supérieur à la moyenne mondiale se situant autour de 20 %.
Sur un autre plan, les incursions illégales des chalutiers chinois dans les zones réservées à la pêche artisanale engendrent souvent la destruction fréquente des engins de pêche pour les acteurs locaux dans plusieurs pays du Golfe de Guinée.
Chaque année, le pillage des pêcheries engendrent un manque à gagner d’environ environ 2,3 milliards $ par an à l’Afrique de l’Ouest selon un rapport publié par réseau international de journalisme d’investigation (Ij–Reportika).
Ce contexte alarmant exige une mutualisation des efforts sur le plan régional. Du renforcement des investissements dans les systèmes de surveillance et de contrôle, à l’évaluation régulière et exhaustive des captures et des débarquements, des mesures existent pour limiter la surexploitation des stocks dans la région.
En 2017, l’Initiative pour la Transparence des Pêches (FITI) a vu le jour afin de recueillir des données sur le nombre de vaisseaux munis de licences de pêche dans les eaux territoriales. Les Seychelles et la Mauritanie ont déjà publié leur rapport. Les autres pays de la région devront emboîter le pas.