Réchauffement climatique : la Méditerranée en première ligne
6 décembre 2024
6 décembre 2024
Un rapport spécial sur les risques liés aux climats côtiers dans le bassin méditerranéen met en avant des solutions multisectorielles pour une meilleure résilience de ces pays, dont le Liban.
Les pays méditerranéens, et notamment ceux de l’Est, devraient souffrir plus intensément des conséquences du changement climatique que d’autres parties du monde. La surpopulation au Sud, les activités économiques sur la côte, le tourisme de masse… contribuent à cette pression supplémentaire sur la capacité d’adaptation de ces pays, auxquels viennent s’ajouter les conflits et la mauvaise gestion des ressources.
« La côte méditerranéenne est l’une des régions du monde où la probabilité d’une inondation composite (hausse du niveau de la mer) est la plus élevée, dont les effets seront aggravés par le changement climatique et la croissance démographique sur le littoral », note ainsi un rapport sur les risques côtiers liés au climat et à l’environnement en Méditerranée, lancé le 18 novembre durant la COP29, le sommet de l’ONU sur le climat qui s’est déroulé à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. Ce texte a été rédigé par 55 auteurs du Medecc (Experts méditerranéens sur les changements climatiques et environnementaux), sous la houlette de l’Union pour la Méditerranée (UpM), du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), de la Convention de Barcelone et du Plan bleu.
Selon ce rapport, l’une des conséquences les plus dramatiques de ce réchauffement est la hausse du niveau de la mer, déjà de 2,6 millimètres par an (soit deux fois plus qu’au XXe siècle), qui pourrait causer le déplacement de 20 millions de personnes d’ici à 2100. « Les vagues de chaleur océanique, dont la fréquence et la durée ont augmenté de 40 et 15 % respectivement au cours des deux dernières décennies, favorisent les émissions de carbone et l’émergence d’espèces tropicales non indigènes, qui ont à leur tour diverses incidences écologiques et socio-économiques sur la Méditerranée », lit-on dans le texte.
« Les projections montrent une augmentation des températures de l’air en surface, de la fréquence et de l’intensité des extrêmes de chaleur, une élévation du niveau de la mer, de l’évapotranspiration et une diminution des précipitations, en fonction du niveau des futures émissions de gaz à effet de serre », explique à L’OLJ Salpie Djoundourian, l’une des coordinatrices du projet, représentant le Liban.
Le changement climatique devrait poser un risque sérieux aux écosystèmes tout comme aux diverses activités économiques à l’instar de l’agriculture ou la pêche, poursuit-elle. Il devrait également aggraver la pénurie d’eau dont souffrent déjà 180 millions de personnes dans le pourtour méditerranéen. À ces pénuries d’eau s’ajoutent l’insécurité énergétique (en raison de la dépendance aux énergies fossiles importées dans la plupart des pays), l’insécurité alimentaire (là aussi en raison de la dépendance aux importations) et les risques sur les écosystèmes (dus au changement climatique mais aussi aux mauvaises pratiques).
La mauvaise gestion des ressources aboutit à une pollution de l’eau, de l’air et du sol, qui atteint la côte, et notamment une pollution plastique qui est la plus importante au monde. « Les déchets plastiques comptent pour 82 % des ordures visibles, 95 à 100 % de l’ensemble des déchets marins flottants et plus de 50 % des déchets marins des fonds marins de la mer Méditerranée », souligne-t-elle.
Les pays de l’est de la Méditerranée souffrent plus particulièrement de problèmes endémiques de nature à freiner les efforts d’adaptation aux changements climatiques.
Pour améliorer la résilience des populations méditerranéennes, notamment celle de l’Est, aux changements climatiques, le rapport du Medecc préconise des solutions qui tiennent compte du lien entre les secteurs de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation et des écosystèmes (WEFE ou « Water, Energy, Food and Ecosystems Nexus »). « Toute mesure prise pour faire face au changement climatique devrait prendre en compte la synergie entre ces quatre secteurs », souligne l’experte. Une approche relativement plus coûteuse sur le court terme, vu les investissements nécessaires dans les innovations technologiques et dans les solutions basées sur le respect de la nature, mais qui donnent un résultat plus probant à long terme.
Si la technologie et la science offrent des solutions partielles à cette pollution, celles-ci ne sauraient être suffisantes sans investissements verts (basés sur le respect de la nature), réformes institutionnelles, outils économiques et financiers (tels que de nouvelles taxes par exemple) ou encore sans campagnes de sensibilisation en vue d’un changement de comportement sociétal. « Toutes ces options seraient basées sur les quatre piliers du WEFE », insiste-t-elle.
Qu’en est-il du Liban ? « La guerre (entre le Hezbollah et Israël d’octobre 2023 à novembre 2024, NDLR) et les multiples crises (socio-économique, politique et institutionnelle, NDLR) ont affecté la capacité de ce pays à faire face aux conséquences du changement climatique », souligne Salpie Djoundourian. Elle loue la vivacité du secteur privé qui a apporté des solutions innovantes par des technologies abordables basées sur l’énergie solaire, ainsi que des efforts au niveau de pratiques agricoles innovantes, l’introduction de sources d’alimentation alternatives (comme des espèces de poissons non-natives), et d’autres. « Toutefois, la mise en œuvre réussie de solutions transformatrices et globales nécessite des réformes indispensables en matière de gouvernance afin de promouvoir un environnement favorable à l’investissement, et la confiance dans l’État de droit », conclut-elle.