Pollution plastique : les microdéchets atteignent un niveau record en Méditerranée, au large de la Corse
29 novembre 2024
29 novembre 2024
Inexorablement, La Méditerranée devient une mer poubelle. La concentration en déchets plastiques, et en particulier en microplastiques, y est plus élevée que jamais, révèle une étude de l’association Expédition MED diffusée jeudi 28 novembre. Au travers de sa campagne Vigieplastic Méditerranée menée pendant l’été, l’organisation a en effet mesuré des taux de microparticules de plastique pouvant atteindre les deux millions par kilomètre carré dans certaines zones, soit près du double de ce qui était encore observé en 2018-2019.
« C’est une mer semi-fermée, donc tous les déchets qui arrivent quotidiennement des 22 pays riverains s’accumulent, s’accumulent… », déplore Bruno Dumontet, fondateur d’Expédition MED et coauteur de l’étude. « Au rythme auquel vont les fuites de plastique, nous allons être confrontés d’ici à quelques dizaines d’années seulement à une catastrophe environnementale de grande envergure », poursuit celui qui s’inquiète de voir la Méditerranée se transformer progressivement en « mer morte ».
Pour Mercedes Muñoz, responsable du pôle biodiversité marine au Centre de coopération pour la Méditerranée de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le rapport de l’association met en lumière une « réalité alarmante », confirmant la « persistance » et « l’ampleur croissante » de la pollution plastique en Méditerranée.
Dans un rapport de référence publié en 2020, l’UICN avait évalué qu’environ 229 000 tonnes de plastique étaient déversées chaque année dans les eaux méditerranéennes – l’équivalent de plus 500 conteneurs par jour –, principalement du fait d’une mauvaise gestion des déchets. Sans « intervention significative », ce chiffre pourrait atteindre les 500 000 tonnes par an à l’horizon 2040, selon l’organisation internationale.
L’étude d’Expédition MED, menée par des scientifiques et des volontaires repose sur l’analyse de 52 échantillons prélevés en surface grâce à des filets Manta dans une quarantaine de sites situés à proximité de la Corse et de l’archipel toscan.
Ce travail a permis d’observer une concentration moyenne de 220 000 fragments de plastique par kilomètre carré, avec de grandes disparités selon les zones étudiées. Une pollution très importante a notamment été constatée dans une zone d’accumulation située au nord-est de la Corse (entre le cap Corse, l’île de Capraia et l’île d’Elbe), les taux approchant les 2 millions de particules par kilomètre carré dans trois sites de cette zone. Il s’agissait en très grande majorité de microplastiques de moins de 5 mm, précise Bruno Dumontet. La plupart étaient constitués de polypropylène et de polyéthylène, des composés fréquemment utilisés dans les emballages et les objets à usage unique.
Ces nouvelles données « ajoutent une pierre à l’édifice qui fait que la pollution environnementale par les plastiques, liée aux activités humaines, est ubiquiste et très présente, et qu’il y a des zones de très fortes concentrations de microplastiques qui peuvent avoir un impact important sur les organismes [marins] », commente Johnny Gaspéri, directeur de recherche à l’université Gustave-Eiffel de Nantes, qui n’a pas participé à l’étude.
Ces résultats sont d’autant plus inquiétants qu’ils ne représentent que la « partie émergée de l’iceberg », pointe Nicolas Gosset, biologiste et coauteur de l’étude : « Ils sont le reflet de ce que l’on trouve en surface, or on sait que 70 % à 80 % des plastiques coulent et finissent dans les profondeurs. »
L’étude est publiée alors que les représentants de 175 pays sont réunis à Pusan (Corée du Sud) jusqu’au 1er décembre, pour ce qui est censé être la dernière session de négociations pour aboutir, avant la fin de l’année, à un traité mondial visant à mettre un terme à la pollution plastique. « Ces négociations représentent une opportunité historique de s’attaquer au problème à la racine, de la production de plastique à la gestion des déchets, estime Mercedes Muñoz. Seul ce cadre mondial permettra de contrer la crise du plastique qui affecte non seulement la Méditerranée, mais aussi tous les océans. »
Bruno Dumontet espère pour sa part « une véritable prise de conscience », qui aille au-delà de la « carte du recyclage » prônée par certains pays comme les Etats-Unis ou la Chine, qui sont « de gros consommateurs et de gros fabricants » de plastique. Il plaide notamment pour que l’on « tienne compte de la fin de vie des plastiques et des additifs chimiques associés » dès l’étape de conception, mais aussi pour que les plastiques soient considérés comme des « déchets dangereux dès lors qu’ils sont abandonnés dans l’environnement ». « Ceci faciliterait la mise en place de mesures plus drastiques pour limiter les effets délétères de ces déchets, explique-t-il. Pour beaucoup de personnes encore, cela ne reste qu’une pollution visuelle… alors qu’en réalité, il s’agit d’un écocide planétaire. »