La Kaz’a Nyamba, un centre de soins pour les tortues en détresse à Mayotte

 

« La Kaz’a Nyamba ». C’est le nom du prochain cocon réservé aux tortues en Petite-Terre, créé par l’association Oulanga na Nyamba, qui œuvre depuis 26 ans pour protéger et améliorer les connaissances sur les tortues marines de Mayotte.

Un refuge pour des reptiles en danger

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Six bassins seront installés dans le centre pour accueillir les tortues (DR/Oulanga na Nyamba)

 

 

 

 

Au fil du temps, l’association a su tisser des liens de confiance avec les habitants et ses partenaires, aboutissant à la concrétisation de son projet le plus ambitieux : la Kaz’a Nyamba. Ce centre de soins sera situé boulevard des crabes en Petite-Terre, au bord de la vasière des badamiers et intégré à l’espace de jeux et de sport du boulevard. Dans un espace spécialement aménagé, comprenant six bassins reliés à une station de pompage, un laboratoire dédié aux soins et un espace de 50 m2 ouvert au public, les soigneurs veulent faire de ce centre un lieu de refuge pour les tortues et de partage avec le grand public. « Des vétérinaires se relaieront et quotidiennement les soigneurs animaliers s’occuperont des tortues et de la propreté de l’espace. Il y aura deux espaces distincts : un espace d’accueil du public où les animateurs feront visiter le site comme un musée avec une scénographie dédiée autour de la découverte de la tortue marine de Mayotte, et un espace de soins », commente Jessica Coulon, chargée de mission valorisation écotouristique de la tortue marine.

Pollutions, attaques de chiens errants, braconnage

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Blessées, chassées, vendues, les tortues marines sont en voie de disparition depuis plusieurs années (photographie de l’association)

Dans le lagon et sur la terre du 101ème département français, les menaces sont nombreuses et les blessures subies par les tortues peuvent être diverses : collisions avec des bateaux, la pollution (plastiques, hydrocarbures), les attaques de chiens errants et le braconnage en sont les principales sur l’île aux parfums. À cause du plastique, « il arrive  que l’on retrouve des tortues qui flottent dans le lagon », confie la chargée de mission. « Les tortues ingèrent beaucoup de plastique, cela peut bloquer leurs intestins et les empêcher de s’alimenter, on retrouve beaucoup de tortues échouées sur les plages. » Mais les tortues ne sont pas au bout de leur peine avec cette anthropisation frénétique. Lorsque les femelles pondent sur des plages de l’île à l’abris des regards dans l’obscurité, il leur arrive souvent d’être attaquées par des chiens errants.  » Si on les retrouve à temps, on peut essayer de les soigner ».

Images de braconnage à Mayotte photographiées le 24 juin 2024, diffusées par l’ONG Sea Shepherd

 

 

 

 

 

Et le braconnage ne fait qu’amplifier leur vulnérabilité. « Sur le braconnage c’est plus compliqué car il faudrait qu’elles ne soient pas découpées en entier. C’est déjà arrivé, que le braconnier se soit enfui avant d’avoir découpé la tortue », avoue la spécialiste des tortues marines. La pêche est aussi une cause des blessures qui leur sont causées. « Quand les tortues mordent aux hameçons et qu’elles avalent l’hameçon, on voit s’il est possible d’opérer la tortue pour récupérer l’hameçon ». Les tortues marines sont également victimes de maladies, que les scientifiques ne savent pas encore toujours bien identifiées. Un des objectifs du centre de soins est aussi de mieux les comprendre.

Des soins adaptés à chaque tortue 

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En août dernier, de nouveaux acteurs ont rejoint le « Pacte de sauvegarde des tortues marines 2024-2026 » pour renforcer leur protection sur l’île

Si les tortues vertes et les tortues imbriquées sont les plus fréquemment observées, toutes les tortues marines seront accueillies. « Les tortues vertes et les tortues imbriquées, ce sont les tortues qu’on a le plus et qui se reproduisent à Mayotte, donc on les retrouve souvent sur les plages. Dernièrement on a eu une petite tortue caouanne en soins pendant quelques semaines, c’est la troisième espèce que l’on peut voir régulièrement à Mayotte. La tortue Luth s’observe plutôt au large, elle ne fait que passer parfois, et à ce jour, il n’y a eu que deux observations documentées de la tortue olivâtre dans les eaux de Mayotte. Accueillies pour toute blessure ou état de santé préoccupant, l’association Oulanga na Nyamba s’enthousiasme : « ll y aura de la place pour tout le monde ! ». Une fois guéries, les tortues seront relâchées dans leur milieu naturel.

« On les soigne déjà mais sans centre de soins » 

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Sur le même modèle que le centre-musée de protection des tortues marines réunionnais, Kélonia, la Kaz’a Nyamba veut sensibiliser le grand public aux enjeux de la protection des tortues marines (DR/Oulanga na Nyamba)

Grâce au réseau échouage mahorais de mammifères marins et de tortues marines (REMMAT), qui permet de signaler les tortues en détresse et les tortues braconnées, l’association Oulanga na Nyamba peut quantifier le nombre de carapaces trouvées et avoir une meilleur connaissance du carnage du braconnage sur l’île. « Le but lors d’une alerte est d’intervenir le plus rapidement possible, de sécuriser la tortue et de la déplacer si elle a besoin de soins, d’une radio ou d’antibiotiques, par exemple. » Jusqu’alors l’association et ses partenaires font « avec les moyens du bord ». La construction d’une maison-refuge pour ces espèces de tortues, dont la vie est souvent menacée, est devenu une nécessité pour leur protection et leur survie. « On les soigne déjà avec l’aide des vétérinaires mais sans centre de soins, on fait avec les moyens du bord, mais avec la Kaz’a Nyamba on pourra les prendre en charge de A à Z jusqu’à les relâcher dans le milieu naturel c’est ça l’objectif pour toutes les tortues. »

Si les financements pour la construction du centre de soins avaient été acquis relativement tôt, la pandémie mondiale Covid-19 et la guerre en Ukraine ont retardé le processus, jusqu’à décourager les financeurs. « Le projet a pris du retard avec ces événements internationaux et locaux, les financeurs ne pouvaient pas attendre. Le prix du bois a énormément augmenté et on ne pouvait pas l’anticiper », explique la chargée de mission. Face à ces pertes de financements imprévues, l’association cherche à mobiliser 400.000 € supplémentaires sur un budget total de plus de trois millions d’euros pour poursuivre la construction du centre. Si l’appel aux dons fonctionne, la Kaz’a Nyamba, intégralement construite en matériaux durables, pourrait voir le jour à la fin de l’année 2025.

Source: JDM