Protection des océans : des ONG lancent un appel d’urgence à l’Europe
24 octobre 2024
24 octobre 2024
À Bruxelles, une coalition européenne d’ONG, d’activistes et de personnalités publiques a lancé un appel retentissant pour hisser la protection des océans au sommet des priorités politiques.
« Ce mandat européen doit impérativement être océanique. Nous n’avons plus le choix. » C’est avec ces mots percutants que Claire Nouvian, fondatrice de l’ONG Bloom, a ouvert la soirée « Time’s up » (« Le temps est écoulé »), mercredi 16 octobre, à quelques pas du Parlement européen. L’événement a réuni près d’une centaine de personnes autour d’un plaidoyer à la fois militant et artistique en faveur de la protection des océans. L’objectif : pousser les nouveaux décideurs européens à faire de la préservation des fonds marins une priorité absolue de leur mandat.
Le compte à rebours est lancé. La conférence des Nations unies sur les océans, qui se tiendra en France en juin 2025, approche à grands pas. Les défenseurs de l’océan, conscients de l’accélération des crises environnementales, ont formé une coalition européenne regroupant des milliers de personnalités publiques, d’activistes et plus de 140 ONG.
« L’océan est notre principal régulateur climatique »
Adélaïde Charlier, cofondatrice de Youth for Climate, a souligné l’importance cruciale de l’océan pour la régulation du climat. « L’océan est notre principal régulateur climatique. Sans lui, la surface de la Terre serait inhabitable. » Si aujourd’hui, l’océan absorbe plus de carbone qu’il n’en émet, cet équilibre pourrait bientôt se rompre. « Nous détruisons la vie là où elle est née », a déploré l’activiste de 23 ans.
Le pêcheur français Stéphane Pinto, originaire de Boulogne-sur-Mer, a partagé son expérience amère. Après trente-cinq ans de métier, il a vu la pêche artisanale s’effondrer, frappée par la pêche électrique, une technique destructrice introduite par l’industrie néerlandaise. « En 2012, nous étions 125 fileyeurs. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 25. Cette technique a détruit notre activité », a regretté l’homme aux manches retroussées. Malgré l’interdiction de la pêche électrique en 2019, les tentatives de réintroduction de cette méthode par les Néerlandais l’inquiètent grandement.
Son témoignage n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Les océans subissent des pressions multiples. Des zones marines protégées — notamment en France — n’interdisent même pas le chalutage, une technique de pêche qui racle et dévaste les fonds marins. Claire Nouvian a dénoncé les subventions qui maintiennent ces pratiques destructrices à flot. « Sans aides publiques, ces bulldozers des mers n’existeraient même pas. » Elle a plaidé pour un soutien accru à la pêche artisanale, plus durable et génératrice d’emplois.
L’industrie des énergies fossiles, elle aussi critiquée, produit chaque année davantage de plastique qui finit dans l’océan. « En 2050, le plastique pèsera plus lourd dans l’océan que les poissons », a averti Lucie Padovani, de l’ONG Surfrider. Matthew Gianni, cofondateur de la Deep Sea Conservation Coalition, a mis en garde contre l’exploitation minière des grands fonds marins, qui pourrait entraîner « des pertes incommensurables de biodiversité ».
Alors que l’Union européenne est la première puissance maritime mondiale, elle est fragilisée par l’influence des lobbies industriels. La nomination de Kóstas Kadís en tant que Commissaire à la pêche, bien qu’il soit biologiste, reflète les compromis faits au détriment de l’environnement. Sa lettre de mission met l’accent sur la souveraineté alimentaire et l’industrie, reléguant les questions environnementales au second plan. Kadís est placé sous la tutelle du commissaire Raffaele Fitto, une figure conservatrice d’extrême droite et hostile à l’écologie, membre des Conservateurs et réformistes européens et vice-président exécutif en charge de la cohésion. « C’était déjà dur ces cinq dernières années, mais avec un Parlement européen virant à l’extrême droite, il nous faudra réinventer nos stratégies », a souligné Claire Nouvian.
Face à ces défis, les défenseurs des océans ont présenté une feuille de route en quinze points, incluant l’interdiction du chalutage d’ici 2030 et l’arrêt des subventions aux pratiques destructrices. L’idée : favoriser l’émergence d’un modèle durable qui favorise la pêche artisanale, plus respectueuse des écosystèmes marins. Adélaïde Charlier a réaffirmé la volonté de la coalition d’exercer une pression continue sur les décideurs européens. « Nous allons briser les frontières et unir nos forces — activistes, ONG, scientifiques — pour que Bruxelles prenne enfin ses responsabilités. »
L’événement, entre gravité et espoir, a été ponctué de moments artistiques. Des performances comme « Récifs » du collectif Minuit 12, mêlant danse et militantisme, ou encore les sons envoûtants du violon d’Emka accompagnés des chants de baleines, ont rappelé que la protection des océans dépasse les chiffres et les rapports : il touche à nos corps, et à la survie de tous les êtres vivants. « Le temps est venu, a conclu Claire Nouvian. Nous ne nous laisserons pas glisser vers l’extinction. Les décisions doivent être prises maintenant, sinon ce sera le rideau de fin. »