Mer de Chine méridionale, entre océans Pacifique et Indien
7 juin 2024
7 juin 2024
Des scientifiques vietnamiens, américains et français (dont l’UMR LEGOS) ont mis en place et exploité un modèle capable d’expliciter les mécanismes qui régissent la circulation de l’eau qui transite par la mer de Chine méridionale, passage obligé entre l’océan Pacifique et l’océan Indien. Leurs résultats sont publiés dans le journal Geoscientific Model Development.
Deux océans, six détroits… La mer de Chine méridionale cumule les facteurs de complexité agissant sur la circulation de l’eau. SYMPHONIE, un modèle océanique, permet enfin de comprendre les mécanismes à l’œuvre dans cette zone.
« Les eaux de surface de la circulation océanique globale qui participent au fonctionnement du climat transitent entre les océans Pacifique et Indien à travers la Mer de Chine Méridionale en Asie du Sud-Est ». Ayant ainsi planté le décor, Marine Herrmann, océanographe au LEGOS, poursuit : lors de leur traversée, ces eaux sont soumises à de nombreux facteurs d’influence : apports de chaleur et d’eau douce, mélange induit par la marée, tourbillons, etc. Elles en ressortent transformées, adoucies et réchauffées, et poursuivent ensuite leur périple dans l’océan global. Du fait de leurs interactions avec le continent et l’atmosphère, l’étude et la quantification des bilans d’eau, de sel et de chaleur de la zone est essentielle pour la compréhension du climat tant à l’échelle régionale que globale. La complexité topographique de la région – cet écoulement d’un océan à l’autre se faisant via six détroits – rend cependant peu réalisable l’instrumentation in situ simultanée de tous les détroits.
Utilisée de façon complémentaire avec les observations disponibles, la modélisation se révèle un outil de choix pour résoudre ce défi, à condition d’être capable de représenter les différents mécanismes impliqués dans le transport et la transformation des masses d’eau. Des chercheuses et chercheurs du LEGOS, de l’Université des Sciences et Technologies de Hanoï (USTH, Vietnam) et de l’Oregon State University (OSU, USA) ont donc fait appel à la modélisation haute résolution pour mieux prendre en compte, comprendre et quantifier le rôle de ces mécanismes. Développé par le Service National d’Observation SIROCCO, le modèle océanique SYMPHONIE procure une représentation explicite de la marée ainsi qu’un module de calcul en ligne des bilans entrants et sortants des différents éléments. Comparée à d’autres produits, la simulation effectuée sur la période 2009-2018 a prouvé la valeur ajoutée du modèle.
Les volumes d’eau en mouvement sont impressionnants : à l’échelle annuelle l’apport d’eau représente environ 4 millions de m3/s, soit 20 fois le débit de l’Amazone ! La modélisation montre que cet apport provient presque exclusivement de l’eau de mer qui arrive de l’océan Pacifique, via le détroit de Luzon (95 %) et le détroit de Balabac (2%). A ces eaux salées s’ajoute une petite quantité (3 %) d’eau douce apportée par les pluies et les rivières. Ce dernier volume qui semble négligeable face aux masses d’eau considérables en jeu représente tout de même un apport d’un mètre par an sur toute la zone. Pour que le niveau de la mer reste globalement stable, cette eau douce est évacuée par les détroits. La simulation fournit une estimation des pourcentages des sorties à travers trois détroits : un quart de cette eau ressort au nord à travers le détroit de Taïwan vers la Mer de Chine de l’Est, les trois quarts restants s’écoulent au sud vers l’Océan Indien à travers les détroits de Mindoro et Karimata. La modélisation révèle également une saisonnalité des flux observés. « Le cycle annuel de ces flux d’eau salée et douce est principalement piloté par le régime des moussons, explique Ngoc Trinh Bich, qui a soutenu sa thèse sur ce sujet avant de devenir chercheuse à l’USTH. Pendant la mousson d’hiver, les vents secs de nord-est favorisent l’entrée d’eau par le détroit de Luzon et l’évaporation à la surface océanique, tandis que les vents humides de sud-ouest de la mousson d’été favorisent les précipitations et la sortie d’eau par le détroit de Taïwan .» Utilisée en complémentarité avec les mesures en mer, notamment celles effectuées lors de la campagne franco-vietnamienne PLUME en mai 2024 à bord de l’Antea au large des côte vietnamiennes, cette étude ouvre la voie vers une meilleure compréhension de la dynamique océanique de ce système régional ainsi que de son influence sur les écosystèmes marins, la propagation de contaminants, ou encore l’interaction avec l’atmosphère.