La 32 ème édition du Festival International des Arts Plastiques du Mahres
7 juin 2019
7 juin 2019
FIAPMS
À Mahres, Sfax (Sfax)
La 32 ème session …… au quotidien
Du 16 au 26 juillet 2019
Thème : Pour une créativité qui s’engage à améliorer la qualité de la vie
Pour une créativité qui met une zénith la qualité de la vie.
Dans la mesure où le festival des arts plastiques à Maharès se doit d’être un vecteur d’émancipation, aussi bien individuelle que collective, le comité du festival persiste, année après année, à élargir l’impact de son choix de départ, lequel postule que, de l’art à la rue est synonyme du passage de l’art à la vraie vie. D’autant plus que l’histoire du festival se voulait, depuis le début, l’écho du débat sur les frontières culturelles repensée à partir de la montée des collectivités locales. Suite à quoi se répand l’idée selon laquelle, l’émancipation commence avec le sentiment d’être écouté, de voir des vies ressemblant à la sienne compter socialement. Ce n’est plus la qualité de la ressemblance mais la sincérité de la compassion, l’expression de la proximité, qui définissent la ’’bonne représentation’’.
. Ainsi, l’Art, suite à son entrée dans la vie quotidienne, se trouve-t-il dans l’obligation de se diversifier vers le bas et de se fédérer vers le haut. Or, il s’avère que la ville industrielle révise gravement les fondamentaux de la sociabilité, à savoir la solidarité, la convivialité et la proximité. La raison en est, justement, c’est la postulation d’un certain amalgame entre progrès et qualité de vie. Ce qui est dans tous les cas rejeté, c’est la règle aveugle. Elle est perçue comme inhumaine parce qu’elle est mécanique, ne considère les individus que dans leur abstraction, sans restituer leur condition dans son histoire et dans son contexte.
C’est sur ce mode que sont d’ailleurs de plus en plus critiqués aujourd’hui l’ordre marchand et sa dureté. Ils incarnent en effet par excellence le règne d’une généralité froide, mécanique et insensible, dans un monde social qui aspire à voir gouverner une généralité attentive et vivante. D’où la centralité des comportements d’empathie. Le ’’social’’ n’est dorénavant plus seulement constitué par des identités, c’est-à-dire des appartenances à des ensembles définis par des caractéristiques socio-économiques données. Il est de plus en plus composé par des communautés d’épreuve, des apparentements de situations, de parallélismes entre des histoires ;il a une dimension narrative et réflexive. Le souci d’un individu particulier change donc de signification dans cette perspective.
Il prend en lui-même une dimension immédiatement sociale. La notion même de peuple est aussi redéfinie dans cette mesure. Elle ne désigne plus tant ce qui serait de l’ordre d’un groupe donné que ce qui s’apparente à la communauté mouvante et invisible de ceux dont les épreuves, ou les histoires plus généralement, ne sont pas prises en compte. Ainsi, la réhabilitation du culturel rejoint cette autre réhabilitation du critère de la qualité de la vie collective. Point d’étonnement alors, que cette année le slogan soit le suivant : «Pour une créativité qui met au zénith la qualité de la vie ».
Nous espérons que la pratique de la sculpture à Sfax devient surdéterminante et impose que le temps soit sauvé dans ce qu’il comporte d’hétérogène par rapport au sens et à l’homme. Sachant que des questionnements sur l’idée du tableau en tant qu’objet se télescopent et transposent vers ceux de la sculpture et de l’architecture. La pierre sculptée qui ne s’actualise que pour se virtualiser, prend ainsi ses marques de liberté dans le hors champ où le sculpteur l’a posé, affirmant ainsi le non- illusionnisme de l’art (cet entrelacs entre la conception et l’expérimentation, Marcel Duchamp l’interprète comme le partage entre la constante connue et la variable expérimentée, ce qui signifie que jamais le regardeur ne saura épuiser la forme constante de l’objet autrement que par une vue de l’esprit). L’œuvre n’étant plus exclusivement un objet tangible, analysable en tant que tel, son discours et ses conséquences ne surgissant qu’au terme d’une métamorphose de l’objet et de l’espace réel qui l’englobe, et qui serait, en dernier ressort, fantasmé par l’élargissement des virtualités. Il était temps, à l’ère des espaces d’expression structurés et contrôlés, des planifications culturelles, que les sculpteurs entreprennent d’inventer des lieux nouveaux pour notre imaginaire. On le sait notamment depuis Giacometti, imaginaire en sculpture ne rime pas uniquement avec démantèlement de la réalité objective, mais, semblant aménager le monde, laisse ici ou là un vide dans la construction, un trou dans les fondations qui menace tout l’ensemble, dans la mesure où cet ensemble ferait échec au temps réel, au temps non spatialisé.
D’autant plus que le problème actuel, c’est le citoyen réagissant à la ville par des formes ou des anti-formes.
Cet homme sera aussi bien un spécialiste de la création artistique qu’un citoyen s’aventurant dans une technique d’expression plus concrète, durable et spectaculaire que le simple commentaire impressionniste ou critique. D’ailleurs, parmi les signes distinctifs de l’époque actuelle figure l’intégration de la dimension territoriale dans l’authentification de ce qu’on pourrait désigner comme étant un certain ’’usage du monde’’. Il est question, semble-t-il, d’un éther cosmique qui atténue la priorité humaine, donc symbolique, donné à l’énergie sculpturale.
En Tunisie, l’édification du premier Etat indépendant a bien vu la nécessité d’intégrer l’élément de la territorialité, mais dans sa dimension nationale. Ainsi, du passé préislamique du pays, Habib Bourguiba fit un argument de taille pour dessiner un concept original, qui perdure : ’’la tunisianité’’. Une manière de tenir tête au propos français, toujours prompts à évoquer un Maghreb sans grande histoire ou à insister sur sa période chrétienne afin de justifier la colonisation. Au lendemain de la révolution glorieuse, ’’l’usage du monde’’ à la tunisienne commence, à la faveur de la montée politique des collectivités locales, de prendre relief et de revêtir un caractère territoriale longtemps refoulé et redouté. Ainsi, il y aurait tout lieu de dire que l’investissement du critère de ’’la qualité de vie’’ postule une permission donnée : celle de reconnaitre aux collectivités locales leur droit à faire de leurs régions des corps mêlées d’eux-mêmes, pour ainsi dire (A Sfax, la SIAPE empêche les Sfaxiens de faire de leur ville un corps mêlé de ses habitants). A l’aune de la dite permission accordée, la créativité contemporaine saisit l’opportunité offerte par l’électronique laquelle, contrairement à l’industrie, ne requiert pas de nouvelle anthropologie. Partant, la créativité contemporaine ne part plus de l’objet, mais du circuit de communication où il est inséré comme relais. De la sorte, l’hospitalité, d’un penchant naturel, se mue en art de vivre qui réinvestit les fondamentaux de la sociabilité, à savoir la solidarité, la proximité et la convivialité. Or, compte tenu de la nouvelles tertiarisation des villes et de leurs économies respectives, ces fondamentaux se trouvent-ils en interconnexions avec d’autres secteurs à fort potentiel de croissance économique (hôtelerie, restauration etc,) et culturelle (musique, design, art contemporain, valorisation du patrimoine).
Et s’il est vrai de dire que, le festival manifestation culturelle éphémère inscrite dans un calendrier le plus souvent annuel, s’est progressivement imposé dans toute l’Europe, et bien au-delà, la chronologie du festival des arts plastiques à Maharès dresse un panorama régional d’une aventure humaine riche d’enseignements. Ceux-cis peuvent être résumés sur le mode d’un slogan qui dit : «Nous faisons ce festival pour partager notre humanité, avec nos semblables. » C’est dire à quel point le besoin de qualité de vie est cruciale, tant il est fondamental, pour chaque groupe social, d’intégrer les objets usuels à la mentalité, aux besoins et aux usages qui constituent les éléments fondateurs de la culture. Autant dire que la surdétermination de l’objet est toujours relative à la communauté et, de ce fait, il y a lieu d’affirmer que celui-ci est toujours porteur d’un principe de communauté en même temps qu’il répond à un besoin vital. En fait, la qualité de vie est une résultante d’un bon ménage entre ces deux paramètres.
Cette correspondance directe entre le comportement ou l’expérience du producteur-utilisateur a été repérée par Andrea Branzi chez les agriculteurs de la prime modernité. Selon lui, «le règne incontesté du design anonyme a certainement été celui de l’agriculture préindustrielle et du travail artisanal, à l’époque où les paysans dans les campagnes et les artisans dans les ateliers devaient perfectionner leurs quelques outils de travail au moyen d’astuces techniques simples, mises au point par leurs soins.
Les besoins imprévus et l’absence d’industries en mesure d’apporter des réponses efficaces ont longtemps contraint l’homme de la prime modernité à créer de petits chefs-d’œuvre anonymes qui ont souvent survécu au progrès technique et continuent à être utilisés aujourd’hui, après plusieurs décennies (ou siècles). Ces productions spontanées, fruit de la nécessité et non de société de consommation, ont été rassemblées dans un vaste réseau de musées consacrés à la culture des objets. Elles illustrent ce comportement humain particulier qui consiste, en l’absence d’un savoir technique et scientifique spécifique, à employer directement les rares matériaux disponibles pour inventer des dispositifs originaux et souvent surprenants. » Désormais, on ne néglige plus le fait que l’homme culturel soit celui qui exprime, d’une manière ou d’une autre, un projet global. Attendu que le mental, c’est le total.
D. Mohamed Ben Hamouda