La protection des océans n’est pas à la hauteur, s’alarment les scientifiques
10 mai 2024
10 mai 2024
Des belles paroles mais peu suivies d’effet. C’est en quelques mots le constat que dresse le CNRS dans un rapport publié ce jeudi concernant la protection des océans . Car si les aires marines protégées (AMP) sont de plus en plus nombreuses, elles sont loin de respecter les normes nécessaires pour garantir la pérennité de l’écosystème marin et de ses ressources.
Ces zones censées servir de sanctuaire à la faune et la flore face à l’exploitation humaine à grande échelle s’étendent actuellement sur un peu plus de 8 % des océans du globe. Les pays membres de l’ONU se sont fixés comme objectif d’atteindre les 30 % d’ici 2030 .
Problème : celles-ci ne sont pas toutes gérées de la même façon. Si certains Etats appliquent une réglementation très stricte, la majorité des AMP ne remplissent pas tous les critères. C’est la conclusion des chercheurs du CNRS qui ont étudié les 100 plus grandes zones protégées existantes, ce qui représente plus de 90 % des AMP.
Ainsi, un quart des AMP, pourtant délimitées et annoncées officiellement, ne sont pas effectives. Aucune réglementation ni surveillance n’y sont appliquées. Un tiers des AMP sont quant à elles réellement surveillées mais des activités dangereuses pour l’écosystème, comme l’exploitation de minerais , le prélèvement de sable et surtout, la pêche industrielle, y sont tout de même autorisées.
Ces Etats ont aussi bien pris soin d’imposer une réglementation stricte dans des zones relevant peu d’intérêt en termes de ressources. « Pour remplir leurs objectifs, les pays concernés ont choisi des zones très reculées et peu contraignantes pour leurs activités économiques », pointe Joachim Claudet, chercheur au CNRS.
Et le constat de ce spécialiste de l’environnement maritime est sans appel : la France fait partie des mauvais élèves. Malgré des AMP très étendues, le pays y applique des règles trop peu contraignantes. « En l’état, la définition française d’une protection forte dans ces aires se contente de l’entrée de gamme », déplore-t-il.
Ainsi, 60 % des zones maritimes de Méditerranée appartenant à la France sont déclarées comme des AMP, mais 0,1 % de cette aire seulement est concernée par une protection vraiment stricte. Sur la façade atlantique, 40 % du territoire maritime français est classé AMP, mais seulement 0,01 % est sanctuarisé.
Pourtant, l’effet positif des AMP, si la réglementation y est exigeante, est évident. Les scientifiques ont constaté que dans ces zones, le nombre, la variété et la bonne santé des espèces marines explosent en à peine trois ans. En revanche, les bénéfices pour la faune et la flore sont « très limités », voire « inexistants » dans les AMP à la réglementation souple.
Joachim Claudet l’affirme, l’objectif des 30 % de l’espace maritime du globe classé en AMP d’ici 2030 permettrait de sanctuariser la biodiversité et son renouvellement tout en répondant de façon pérenne à la demande mondiale en ressources marines. A la condition que ces zones soient bien réparties et que la réglementation la plus stricte s’y applique partout.
« Sur le court terme, c’est plus facile et moins cher de puiser dans les ressources marines sans contrainte. Mais sur le moyen et le long terme, tout le monde sera perdant si on ne change rien. Les pêcheurs ont besoin d’un océan en bonne santé pour continuer à pratiquer leur métier », souligne le chercheur.