Turbulence sur les grandes routes maritimes
4 mars 2024
4 mars 2024
La carte publiée cette semaine dans le monde représente le flux maritime mondial en prenant comme dates de référence les années 2015-2020.
Ce flux se matérialise sur notre carte par des fils qui traversent les océans et contournent les continents pour rejoindre les grands centres économiques de la planète. On peut voir, que par endroits, ces fils se nouent, là où les passages se font plus étroits… au niveau d’un détroit, d’un canal ou d’un cap. Le détroit de Malacca, le canal de Suez ou le cap de Bonne espérance, le Canal de Panama et les détroit de Gibraltar et du Bosphore autour de la Méditerranée, celui de Bab al Mandab, porte d’entrée de la mer Rouge, le détroit d’Ormuz porte de sortie des tanker du golfe arabo-persique, ou celui de Formose entre la Chine et Taiwan où transite un cinquième du trafic mondial.
Neuf passages stratégiques et neuf « goulets d’étranglement » incontournables qui – s’ils sont bloqués – pour des raisons politiques ou environnementales, coupent les fils du trafic maritime international. Ces neufs “chokepoints” comme on les appelle en anglais sont un bon indicateur pour raconter les perturbations du commerce mondial.
On a comparé, à chacun de ces points, le nombre de passages par mois, à deux dates différente.- janvier 2019 – c’est-à-dire avant la pandémie de Covid qui a tout bloqué pendant un temps, et en janvier 2024 après le déclenchement des guerres en Ukraine et à Gaza. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, le trafic maritime en mer Noire a fortement diminué, chamboulant le commerce mondial de céréales. L’Égypte, qui dépendait à plus de 80 % du blé ukrainien a dû s’approvisionner en catastrophe auprès de la Russie, des États-Unis et de l’Union européenne.
L’Égypte subit aussi fortement les conséquences de la crise en mer Rouge en ce moment. Cela fait suite à une autre guerre terrestre, celle de qui se déroule à Gaza.« En solidarité» avec les Palestiniens, les Houthistes yéménites mènent des attaques contre les navires en mer Rouge autour du détroit de Bab al Mandab. L’Égypte, qui contrôle le canal de Suez à l’autre bout de la mer Rouge, a vu son trafic s’effondrer de 40 % en décembre 2023. Le nombre d’incidents a diminué depuis la fin janvier mais la menace reste élevée, tout comme les primes d’assurance. Résultat, beaucoup d’armateurs préfèrent faire un plus long trajet en contournant l’Afrique. Et on peut le voir avec les graphiques qui sont sur la carte que si le trafic a baissé à Suez et à Bab al Mandab, il a quasiment doublé au Cap de Bonne-Espérance situé à la pointe sud de l’Afrique.
En quoi le changement climatique peut-il aussi impacter le trafic maritime ? Prenons l’exemple du Canal de Panama. Ce canal artificiel qui relie l’océan Pacifique à l’Atlantique voit transiter 5 % du commerce maritime mondial. Il a la particularité de fonctionner avec un système d’écluses. Au cours des dernières années, le canal a vu son trafic diminuer de 30 % en raison d’une sécheresse inédite qui a diminué le niveau de l’eau de ces écluses. Résultat, des longues files de bateau. et des armateurs qui doivent patienter plusieurs semaines et payer des millions de dollars pour acquérir un droit de passage plus rapide ou décharger leurs marchandises pour qu’elles soient acheminées par voie terrestre.
Avec l’augmentation des tempêtes, typhons et cyclones certains ports sont devenus très vulnérables. À l’été 2023, lorsqu’un typhon a frappé la Chine, les grands ports du sud-est du pays ont dû refuser l’approche à des dizaines de navires, jusqu’à entraîner la perturbations des chaînes de logistique mondiales.