POINT DE VUE. « Poissons, huîtres, moules : de la mer à la ferme »

 

Noël approche : poissons et fruits de mer garniront nombre de tables de nos concitoyens. Saumons, crevettes, moules, huîtres sont devenus des incontournables du réveillon mais la France, 2e espace maritime du monde, ne parvient que partiellement à répondre à la demande intérieure. Le secteur des produits de la mer connaît un déficit commercial depuis plus de 20 ans, comme vient de le souligner une note du haut-commissariat au plan.

Poissons et fruits de mer sont devenus des incontournables du réveillon. Mais d’où viennent-ils ? Le saumon ? Importé à 85 %. La crevette ? À près de 90 %. Huîtres et moules à l’inverse sont au rendez-vous, la France se classant au huitième rang de la production mondiale tout comme le caviar, secteur dans lequel notre pays est dans le top trois. La raison ? L’élevage.

Car l’essentiel des poissons consommés dans le monde de nos jours est élevé. La production issue de la pêche plafonne en effet depuis le début des années 1980 quand l’aquaculture connaît une croissance moyenne de 6,7 % par an depuis le début des années 1990. Sauf que cette révolution est asiatique pour l’essentielle, le continent assurant 90 % de la production aquacole mondiale, l’Inde, l’Indonésie, le Vietnam, le Bangladesh étant des places fortes mais très loin de la Chine, à l’origine, à elle seule, de 60 % du volume mondial.

Résultat, l’Empire du milieu est aujourd’hui le premier exportateur de poisson au monde quand d’autres pays ont su profiter de cette révolution aquacole pour se positionner sur le tilapia à l’image de l’Égypte ou le saumon, à l’instar du Chili ou de la Norvège qui assure à elle seule la moitié de la production aquacole du Vieux Continent.

Et l’Union européenne justement, où en est-elle ? Elle représente à peine 1 % de la production aquacole mondiale, la France atteignant dans ce panorama un rang anecdotique avec un infime 0,16 %, tirée pour l’essentiel par les huîtres, moules et coquillages qui contribuent à plus de 75 % de la production nationale. La réussite de la conchyliculture remonte à loin, au Second Empire, époque où, devant l’épuisement de la ressource, Napoléon III chargea Victor Coste de trouver le moyen d’élever des huîtres indispensables à la « fête impériale ». Mission remplie dès 1865 : Arcachon voit s’épanouir 297 parcs à huîtres sur 350 hectares, c’est la naissance d’une filière.

Que nous manque-t-il ?

Et ce savoir-faire est loin de s’être perdu : l’Ifremer, le grand pôle de recherche scientifique marine, produit chaque année plus de 110 millions d’alevins, très prisés des fermes… étrangères. Faute d’acteurs en France ? En aucun cas : si vous allez musarder du côté de Cherbourg, vous pourrez trouver du saumon chez AMP Saumons de France tandis que si vous inclinez pour les gambas, il vous suffira de faire un crochet par Saint-Herblain où Lisaqua en élève voire en Nouvelle-Calédonie qui a développé une activité importante dans le secteur de la crevetticulture. Idem pour le caviar, en Nouvelle Aquitaine, qui concentre 95 % de la production nationale et participe par conséquent fortement à faire de notre pays le troisième producteur mondial.

Que nous manque-t-il alors pour développer cette activité et faire en sorte que 4 poissons sur 5 ne soient plus importés ? Deux choses pour l’essentiel, pointées par une récente note du Haut-commissariat au plan : alléger notre réglementation, en l’alignant sur celle de l’Union européenne, et entreprendre un travail de pédagogie auprès de nos concitoyens dont un certain nombre, qui ne s’inquiètent pas des installations d’élevage d’huîtres ou de moules tant elles font partie de notre paysage, mènent aujourd’hui un combat – au Verdon-sur mer (Gironde) ou dans les Côtes-d’Armor – contre des projets de fermes aquacoles qui pourraient nous fournir des poissons élevés dans le cadre de normes sanitaires européennes et à proximité quand, aujourd’hui, nous consommons des poissons élevés en Chine, au Vietnam ou ailleurs… Et si nous mettions l’aquaculture au menu de notre repas de Noël ?

Source: Ouest france