Les sommets pour le climat sont-ils désormais abonnés aux pays fortement dépendants aux énergies fossiles ? C’est le chemin que les COP semblent prendre, après la désignation de l’Azerbaïdjan comme prochain pays hôte de la conférence de l’ONU sur le climat, décision actée ce lundi 11 décembre depuis la COP28 de Dubaï.
L’Azerbaïdjan accueillera la 29e édition de cette grand-messe du climat, du 11 au 22 novembre 2024, alors que 90 % de l’économie du pays du Caucase dépend du pétrole et du gaz, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie . L’un des pourcentages les plus élevés au monde. D’après le thinkthank Carbon Tracker , Bakou figure même dans le top 10 mondial des «pétro-Etats» : ses hydrocarbures financent plus de 60 % du budget du gouvernement.
Bakou, un berceau historique du pétrole…
Cette annonce a immédiatement suscité une levée de boucliers des experts et ONG présents à Dubaï, déjà très critiques de la présidence émiratie en 2023 et de l’accord en demi-teinte qui en a résulté. Un texte décrit comme «historique» par son président controversé, et d’une «auberge espagnole» par ses détracteurs. Sur le réseau social X (anciennement Twitter), Richard Black, du centre de réflexion Ember , fustige cette route post-COP28 qui «mènera à Bakou, où les touristes peuvent encore doper leur santé en prenant un bain de pétrole brut».
Francis Perrin, spécialiste de l’énergie à l’Institut de relations internationales et stratégiques, explique à l’AFP que «Bakou fut l’une des capitales mondiales du pétrole au début du XXe siècle», et que le pays a développé, depuis les années 1990, d’immenses gisements pétroliers et gaziers en mer Caspienne. «Le pays reste aujourd’hui très dépendant des hydrocarbures qui représentent un peu plus de 90 % de ses recettes d’exportation », ajoute-t-il. L’ONG Oil Change International exhorte dans ce contexte l’ONU à imposer «des règles strictes sur les conflits d’intérêts pour que les intérêts des énergies fossiles ne puissent pas influer sur les négociations climatiques».
… Mais aussi un pays en développement
«Le lieu d’une COP donne toujours un signal fort et une teinte aux discussions. Effectivement, l’Azerbaïdjan est un pays producteur de pétrole, mais il ne faut pas oublier aussi que c’est un pays en développement», met en exergue Elise Naccarato, responsable de la campagne climat pour Oxfam. Un élément central, puisque «la question des financements de la transition énergétique dans les pays en développement» sera par ailleurs le sujet au cœur des discussions de cette prochaine réunion du climat. «Il s’agit d’un levier que l’on va activer le plus possible», soutient-elle.
«C’est certain, le signal n’est pas le même que si la COP s’était déroulée dans une petite île menacée, argue Arnaud Gilles, chargé de plaidoyer auprès de WWF France, ajoutant que cette décision est toutefois l’aboutissement du processus onusien réglementaire».
Une décision en forme d’impasse diplomatique
Dans le bloc des pays de l’Europe de l’Est, en charge de l’organisation de la prochaine édition de la conférence de l’ONU, les questions de la guerre en Ukraine et de la qualité des infrastructures complexifiaient les tractations depuis des mois. Le conflit inextricable dans l’enclave du Haut-Karabakh , territoire à majorité arménienne que se disputent l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis plus de 30 ans, et dont les derniers affrontements remontent à septembre 2023, s’était imposé comme une autre difficulté majeure.
La désignation du pays hôte de la COP29, qui doit se faire à l’unanimité de tous les pays de la région choisie – différente d’une année à l’autre – se trouvait donc enlisée dans une impasse géopolitique. L’Azerbaïdjan a franchi un obstacle décisif lorsque l’Arménie a annoncé qu’elle retirerait sa candidature et, plus surprenant, qu’elle soutiendrait celle de son voisin. Leurs deux candidatures se neutralisaient, bloquant le processus de décision. «Nous nous engageons à travailler de manière inclusive et collaborative avec tous, afin que la COP29 soit un succès», a lancé le ministre azerbaïdjanais de l’Ecologie, Mukhtar Babayev, lors d’un discours à la COP28.
Source: Libération