Les digues, un exemple de mauvaise adaptation au changement climatique?
3 novembre 2023
3 novembre 2023
Montée du niveau des océans, événements météo extrêmes plus fréquents, inondations plus régulières… Face aux effets du changement climatique, nous devrons adapter nos sociétés et nos infrastructures. La digue est un exemple de la transformation qu’il faut opérer dans nos esprits.
Depuis le Moyen Âge, les humains érigent ces imposantes barrières de béton, de terre ou de sable pour contrer la mer, canaliser les rivières, contenir les crues. « Historiquement, on a essayé de reproduire les barrières naturelles que sont les dunes », explique à RFI Rafael Almar, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste des littoraux.
L’objectif des digues est de nous protéger des événements extrêmes. Cela nous a aussi permis d’installer beaucoup d’activités économiques et de loisirs sur les bandes côtières. Aujourd’hui, la moitié de la population mondiale y vit.
Face aux phénomènes qui nous attendent, il est donc tentant de construire des murs encore plus hauts. En réalité, c’est souvent contre-productif. Construire une digue est très cher, voire inabordable pour certains pays du Sud sans financement international. Ensuite, c’est une solution temporaire. Tant que nous émettons des gaz à effet de serre, la mer continue de monter par exemple. Les vagues sont plus hautes, et il va falloir sans cesse rehausser ces remparts artificiels.
De plus, ces remblais ont des effets pervers. Ils bloquent la circulation du sable le long des côtes, ou bien dans les rivières en direction du large. Cela veut dire qu’il y a accumulation de sédiments d’un côté et érosion de l’autre. Par exemple, à Cotonou, la capitale économique du Bénin, certains quartiers ont les pieds dans l’eau parce que la dérive du sable a été bloquée par le port.
Les digues nous donnent enfin un faux sentiment de protection. « Je pense que les populations ne se rendent pas compte de certains risques », estime Rafael Almar, qui travaille sur l’érosion et les submersions littorales. Le scientifique appelle à développer collectivement une culture du risque en zone côtière. « Est-ce que vous accepteriez de vivre sur les pentes d’un volcan qui entre en éruption et où tous les 30 ou 50 ans vous risquez de perdre tous vos biens ? Je crois que ces questions peuvent se poser pour la zone littorale. »
Les solutions passent par l’adaptation de nos habitations. Dans les zones susceptibles d’être inondées, les chambres à coucher ne pourront plus se situer au rez-de-chaussée, on montera les tableaux électriques et les chaudières à l’étage, ou bien on construira sur pilotis. Mais à certains endroits, nous n’aurons pas le choix. Il faudra déplacer des activités, des habitants. S’éloigner des littoraux pour réduire les risques de pertes humaines et économiques. Pourtant, actuellement, l’humanité fait plutôt l’inverse en urbanisant à foison les littoraux.
Il ne s’agit pas détruire toutes les digues – certaines sont vitales pour des villes entières – mais de penser différemment. La nature nous offre aussi des solutions. L’eau a toujours débordé, le sable doit circuler pour former les plages, ériger des dunes qui sont changeantes. Les paysages ne sont pas immobiles.
En libérant des espaces sur les littoraux – des marais qu’on a asséchés, des dunes sur lesquelles on aurait bien construit, en replantant de la végétation sur les côtes – « par exemple en replantant des mangroves », dit Rafael Almar de l’IRD, on laisse réapparaître des zones naturelles tampons qui augmentent notre résilience aux phénomènes climatiques. Au fond, c’est arrêter de se battre contre la nature, arrêter de tenter de la dominer, et faire davantage avec elle.