« Notre vigilance pour la protection des fonds marins ne doit pas faiblir »

 

Si Caroline Roose et Marie Toussaint, députées européennes Europe Ecologie-Les Verts, se réjouissent que l’Autorité internationale des fonds marins n’ait pas autorisé l’exploitation minière, elles affirment dans une tribune au « Monde » que l’enjeu crucial de sauvegarde des abysses doit mobiliser l’Union européenne.

Face à la crise écologique majeure que traverse notre civilisation, la question de la protection des fonds marins est un enjeu déterminant. Ils sont notamment cruciaux pour absorber le CO2 et constituent des réserves de biodiversité à la richesse inouïe mais encore mal connue. Or, les grands fonds, compris entre 200 mètres et 11 kilomètres sous la surface, font aujourd’hui l’objet de toutes les convoitises extractivistes, et nous menons bataille pour empêcher que leur exploitation ne vienne aggraver l’effondrement du vivant auquel nous sommes confrontés.

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Le 29 juillet se sont clôturées à Kingston, en Jamaïque, trois semaines de négociations intenses de l’assemblée générale de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), instance créée par l’ONU pour régir les zones maritimes internationales. Les négociations, tenues à l’abri tant des journalistes que de la société civile ou des parlementaires que nous sommes, n’ont certes pas abouti au moratoire sur l’extraction minière en eaux profondes que nous demandions. Mais tout n’est pas perdu : car la date butoir de 2025 est désormais fixée pour l’élaboration d’un code minier encadrant l’exploitation de ces grands fonds. Et aucun feu vert n’a été donné pour l’extraction minière, qui aurait pu commencer dès septembre.

 

La conscience progresse

 

Notre vigilance ne doit pas faiblir. Surtout quand la destruction de l’environnement tente de se parer des habits de la transition écologique pour justifier l’injustifiable. L’un des arguments paradoxaux avancés par les promoteurs de l’exploitation minière des fonds marins est que ceux-ci sont riches en métaux rares utiles pour se libérer des énergies fossiles. De quoi nourrir l’idée que ravager les communs naturels mondiaux que sont les fonds marins pourrait aider le monde à la transition énergétique. Cette vision est une folie. La réalité, c’est qu’en exploitant les fonds marins nous risquons de compromettre la capacité de l’océan à sauver le climat.

Grâce à la mobilisation citoyenne et au travail des écologistes, un nombre croissant d’Etats mais aussi d’entreprises pourtant susceptibles de bénéficier de ces métaux ainsi que Tesla, Volvo ou Google ont compris que l’exploitation des fonds marins constituerait une nouvelle catastrophe écologique. La conscience de la nécessité de préserver les océans progresse, mais, dans le même temps, la volonté des extractivistes est d’aller le plus vite possible, pour prendre la communauté internationale de vitesse. Par exemple, la Chine, désireuse de lancer au plus vite l’extraction minière dans la zone Pacifique riche en nodules polymétalliques sur laquelle elle a jeté son dévolu, a tout fait à Kingston pour entraver l’adoption d’une résolution requérant une « pause de précaution ». Elle y a heureusement échoué, tout comme l’entreprise canadienne cotée en Bourse The Metals Company, sponsorisée par l’Etat de Nauru, qui envisageait pourtant de lancer l’exploitation cet été.

 

Le droit peut nous aider

 

La bataille fut d’autant plus rude que l’AIFM, issue des Nations unies, a pour secrétaire général Michael Lodge, un homme décrié pour ses relations incestueuses avec les milieux industriels, en particulier avec The Metals Company, avec laquelle l’AIFM avait partagé une carte des ressources minières en eaux profondes… Au travers de l’action précieuse d’ONG et de mouvements de jeunesse déterminés, la société mobilisée les en a empêchés.

Nous venons donc de remporter la première manche d’une bataille vitale pour l’humanité et tant d’autres espèces. Il faut continuer. Le droit peut nous aider : le principe de précaution, adopté en 1992, doit nous conduire à entraver toute action susceptible de produire des dommages graves à l’environnement en l’absence de connaissance scientifique, ainsi que l’ont rappelé plusieurs centaines de chercheurs soutenant l’idée d’un moratoire.

L’enjeu est crucial et doit mobiliser l’Union européenne (UE), qui défend pour l’heure une pause de précaution, mais voit sa position fragilisée par l’opposition croissante des droites et des extrêmes droites à toute politique de protection du vivant (en France, Les Républicains et le Rassemblement national s’opposent avec énergie au moratoire). L’extraction minière dans les fonds marins sera donc l’un des enjeux des élections européennes à venir. Il s’agit de nous mobiliser massivement pour que l’UE agisse pour la protection des communs naturels dont notre vie à tous dépend, en commençant par les océans qui doivent être préservés de la folie de l’extractivisme.

Il faut comprendre, une fois pour toutes, que les lois de l’économie ne sont pas au-dessus des lois de la nature. Notre sauvegarde en dépend.


Les députées européennes Caroline Roose et Marie Toussaint expriment dans une tribune leur préoccupation concernant la protection des fonds marins. Ces fonds sont cruciaux pour absorber le CO2 et abritent une biodiversité précieuse. Bien que l’Autorité internationale des fonds marins n’ait pas autorisé l’exploitation minière lors de récentes négociations, les auteures soulignent la nécessité de la vigilance face à ce sujet. L’exploitation minière en eaux profondes est vue comme une menace pour l’environnement et le climat, malgré les arguments en faveur des métaux rares. La mobilisation citoyenne a contribué à empêcher certaines entreprises, comme The Metals Company, de lancer l’exploitation. Les auteures insistent sur l’importance du principe de précaution et appellent à l’action de l’Union européenne pour protéger les fonds marins et lutter contre l’extractivisme. La protection des fonds marins est un enjeu crucial qui doit être pris au sérieux pour préserver la nature et l’avenir de notre planète.

Source: Le Monde