Yves Klein, rare et intime

 

L’hôtel de Caumont d’Aix-en-Provence propose une exposition particulièrement réussie qui revisite les obsessions d’Yves Klein pour l’espace et la sensualité de la peinture. Elle réunit 58 pièces dont certaines rarement vues.

« Sainte Rita de Cascia, sainte des cas impossibles et désespérés, merci pour toute l’aide puissante, décisive et merveilleuse que tu m’as accordée jusqu’à présent. […] Protège tout ce que j’ai créé pour que même malgré moi ce soit toujours la grande beauté. » En 1961, peu avant sa mort, Yves Klein (1928-1962) dépose, discrètement dans un monastère d’Ombrie une boîte en Plexiglas qui contient des pigments en poudre, roses et bleus, ainsi, que de l’or et ce petit message. Comme nous l’a raconté sa veuve, Rotraut, l’oeuvre restera une belle endormie dans le monastère. Jusqu’à ce que l’église du lieu soit restaurée et qu’une soeur signale à l’architecte chargé des travaux un ex-voto contenant de l’or. Lui connaît Klein. La pièce refait surface. Elle est aujourd’hui présentée avec 57 autres à l’hôtel de Caumont d’Aix en Provence, dans une remarquable exposition intitulée « Yves Klein, intime ».

International Klein Bleu

Klein est mort à trente-quatre ans d’une crise cardiaque. Deux ans plus tôt, il avait eu la prémonition de sa disparition : «Une nuit il m’a dit qu’il pensait qu’il allait mourir. Il avait les yeux sombres comme s’il allait pleurer», nous confie Rotraut.

L’urgence l’habite. A l’image de l’ex-voto, l’exposition présente nombre de pièces rares. Pour insuffler une vibration sensuelle dans ses tableaux, il est en quête d’une couleur précise, d’une texture singulière. Il met au point avec son marchand de couleurs un fixatif qui n’éteint pas l’effet poudreux des pigments et dépose la recette. Ce sera son IKB : International Klein Bleu. Dès lors l’azur velouté recouvre une toile lisse ou un papier troué, s’accumule en une petite piscine de pigments, imbibe une éponge qui ressemble à une planète et enrobe un globe terrestre… Avec le génial artiste des grandes machineries Jean Tinguely, il conçoit en 1958 une «Excavatrice de l’espace», disque qui tourne comme notre planète bleue.

Parmi les «Anthropométries», ces peintures dans lesquelles le corps du modèle, badigeonné de couleur, entre en action directe avec la toile, Klein réalise un exemplaire bleu dont il souligne l’entrejambe de résine, symbole de feu. Une autre anthropométrie formée en bleu, rose et noir donne une énergie rayonnante à la composition. Plusieurs dessins préliminaires à ses «Batailles», qui juxtaposaient des corps, montrent à quel point les gestes de Klein étaient calculés, mis en scène. Le corps dans l’espace du tableau vogue, comme l’homme dans l’univers.

Source: Les Echos