Prendre en compte les écosystèmes dans les activités de pêche
23 juin 2023
23 juin 2023
Si les pêcheurs sont de plus en plus sensibilisés à une gestion durable des stocks halieutiques, une réflexion globale des impacts de la pêche sur l’ensemble des écosystèmes doit désormais être envisagée.
La pêche est dépendante du bon état des écosystèmes marins. « L’objectif que nous partageons tous, c’est de bénéficier d’écosystèmes en bonne santé et productifs », souligne Stéphanie Tachoires, chargée de mission pêche à l’Office français de la biodiversité (OFB). Cette activité qui génère des impacts potentiels à la fois sur les fonds marins et sur les espèces protégées doit prendre en compte cette dimension écosystémique.
Selon Didier Gascuel, professeur en écologie marine à l’institut Agro Rennes-Angers, « la pression de pêche a été divisée presque par deux en 20 ans, mais nous sommes loin du compte. Il faut une agroécologie de la mer, ce que j’appelle la pêchécologie. L’objectif est que chaque kilo de poisson soit pêché avec le moins d’impact possible sur l’écosystème et qu’il profite au plus grand nombre ».
Pour réduire ces impacts, les organisations professionnelles et les gestionnaires d’aires marines protégées travaillent de concert. Par exemple, l’OFB et le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) viennent de signer un nouveau partenariat pour valoriser et mettre à profit les expériences réussies de réduction des pressions.
Un site internet baptisé Solupêche doit permettre de communiquer avec l’ensemble des acteurs. Il présente les solutions existantes ou en développement ainsi que des suggestions de pratiques vertueuses pour limiter les captures accidentelles ainsi que les interactions avec les milieux et habitats. « Les professionnels peuvent trouver des réponses en fonction de leur activité, du type d’engin qu’ils utilisent, de l’espèce visée et des habitats qui les concernent », pointe Théotime Hubert chargé de mission au CNPMEM sur le partenariat avec l’OFB.
Solupêche met également l’accent sur les possibilités de financement. « Aujourd’hui, la complexité de financement, quand il s’agit d’aller chercher des fonds européens, est un frein, assure Jérôme Jourdain, président de la commission environnement et usage maritime au CNPMEM. Il faudrait travailler sur l’ingénierie financière pour rendre les fonds plus accessibles aux utilisateurs finaux. »
L’innovation pour réduire les impacts
Dans les outre-mer comme en métropole, des projets innovants sont menés pour réduire l’impact des engins de pêche et épargner les espèces protégées tout en préservant l’environnement.
En Guyane, il n’est pas question d’éloigner les espèces non visées par la pêche à la crevette au chalut, mais de leur permettre de s’échapper. Le projet Turtle excluder device (TTED) utilise une grille et une fenêtre d’échappement pour permettre cette sélectivité. « Grâce au TTED, nous avons complètement éliminé les prises de tortues, mais aussi 90 % des prises de requins ou de raies », indique Michel Nalovic, ingénieur halieute au comité régional des pêches de Guyane. L’efficacité du TTED a incité le comité des pêches de Guyane à imposer son utilisation et des fonds européens ont pu être mobilisés avec le soutien du WWF pour sa mise en place.
La réduction de l’impact est, elle aussi, au cœur des recherches menées sur les dispositifs de concentration de poissons (DCP). « Auparavant, des filets usagés étaient utilisés pour ancrer les DCP dans la colonne d’eau. Ils donnaient lieu à une pêche fantôme. Cette pratique est aujourd’hui interdite », indique Mariana Tolotti, chercheuse en écologie halieutique au sein de l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Mais ces dispositifs n’ont pas vocation à être récupérés. « Quand ils sont hors d’usage ou qu’ils sortent de la zone de pêche, ils finissent par couler ou s’échouer sur les récifs coralliens. Il y a un impact sur les écosystèmes ». Des tests sont actuellement réalisés avec des matériaux moins polluants. « Nous avons fait des tests avec des cordages et des toiles de coton pour remplacer la traine, mais ils se dégradent trop vite. » L’organisation de producteurs Orthongel mène actuellement des tests pour ralentir cette dégradation.
Dans le parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d’Opale, le projet Tefibio a pour objectif de concevoir des filets biodégradables et de faire émerger une filière de valorisation de la matière recyclée. Projet innovant, il offre des perspectives d’évolution vers des engins de pêche plus durables.