Le mouillage des yachts enfin réglementé en Méditerranée

Pour protéger les herbiers de posidonies, poumons de la Méditerranée, le préfet maritime de Méditerranée vient de signer plusieurs arrêtés interdisant l’ancrage des navires de plus de 24 mètres sur ces précieux écosystèmes.

Une situation alarmante

Les herbiers de posidonie sont d’une richesse inouïe pour les écosystèmes marins en Méditerranée.

Chaque année, des navires de plaisance de plus en plus nombreux et de plus en plus gros jettent l’ancre sur les petits fonds côtiers de Méditerranée. Leur chaîne, qui fait parfois jusqu’à 200 mètres de long pour les plus grands yachts, laboure les fonds en fonction des vents et des mouvements des bateaux. En s’ancrant, les navires ravagent les herbiers de posidonie, ce milieu naturel unique qui tapisse les fonds de la grande bleue.

Or, si l’olivier est le symbole de la Méditerranée continentale, la posidonie caractérise la Méditerranée sous-marine. Trésor écologique, comparable selon les scientifiques aux récifs coralliens ou aux forêts tropicalesPosidonia oceanica ne pousse que de quelques centimètres par an et ne fleurit que quelques fois par décennies, mais rend de nombreux services. Ses feuilles offrent un abri aux bébés poissons, produisent de l’oxygène et limitent l’érosion due aux vagues. Et surtout, grâce à sa “matte” constituée de l’ensemble de ses rhizomes imputrescibles, la posidonie participerait à la capture du carbone libéré par les activités humaines, encore plus efficacement que nos forêts.

Bien que protégée depuis 1988, le déclin de l’espèce continue de s’accélérer. La surface des herbiers a diminué de 10% sur les 100 dernières années et même de 30% en cinq ans dans certains endroits très fréquentés. Il n’est pas intentionnel mais il s’agit bien d’une destruction caractérisée et illégale d’un écosystème par un facteur anthropique.

Préserver la grande bleue

Le WWF se mobilise depuis 20 ans pour préserver la mer Méditerranée des nombreuses pressions qui la fragilisent.

Étude et protection des cétacés, développement et amélioration du réseau des Aires Marines Protégées (AMP), lutte contre les dangers de la pollution, promotion de la pêche durable et développement d’une économie bleue soutenable… Depuis plus de 20 ans, le WWF France s’investit en Méditerranée pour la protection des écosystèmes marins. 
Nous avons soutenu la création du sanctuaire Pelagos, la seule aire marine protégée de haute mer créée entre la France, Monaco et l’Italie.

Régulièrement, nous embarquons à bord du Blue Panda, notre voilier ambassadeur, pour des missions scientifiques d’étude des cétacés mais aussi pour sensibiliser les vacanciers à la nécessité de protéger la grande bleue. Le WWF a également relancé le réseau MedPAN des gestionnaires d’Aires Marines Protégées en Méditerranée et se mobilise pour une gestion efficace et la création de nouvelles AMP. Pour sauver la Méditerranée et lui permettre d’exprimer à nouveau tout son potentiel, le WWF travaille de concert avec des partenaires, décideurs, acteurs du territoire et visiteurs soucieux de protéger cette magnifique région aux ressources naturelles abondantes mais pas inépuisables !

Interdiction de jeter l’ancre pour les navires de plus de 24 mètres

Pour lutter contre la surfréquentation et protéger ce précieux biotope, le Préfet maritime de la Méditerranée a signé fin 2020 deux arrêtés qui élaborent des zones d’interdiction de mouillage pour les navires de plaisance de plus de 24 mètres avec un seuil abaissé à 20 mètres pour certaines zones. En 2021, ces arrêtés ont été précisés au niveau des départements sur toute la façade méditerranéenne. Une initiative inédite et bienvenue ! Désormais, pour les navires de plus de 24 mètres de long, l’ancrage sera autorisé uniquement dans des zones bien identifiées et sans risque pour l’herbier ou bien ces navires devront s’amarrer sur bouée ou sur des coffres dans des zones de mouillage dédiées.

Les zones d’interdiction seront désormais matérialisées sur les cartes du SHOM, que chaque plaisancier a l’obligation d’avoir à bord, et des contrôles seront effectués par les agents habilités des administrations de l’Etat en mer. La nouvelle irrite certains plaisanciers. Plusieurs rassemblements ont déjà été organisés pour protester contre ces mesures jugées trop restrictives. Mais du côté des défenseurs de l’environnement, on considère que ces décrets sont nécessaires afin de protéger l’herbier de posidonie, un allié précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique et la restauration des ressources de pêche. Une étude a même récemment démontré que la valeur monétaire à l’hectare de ces prairies sous-marines dépasserait largement celle des récifs coralliens et de la forêt amazonienne. Cela vaut peut-être le coup de garer son bateau un peu plus loin ?

Source : WWF