Hausse du niveau de la mer : ces « submersions marines » qui menacent la France

La hausse du niveau des mers n’a jamais été aussi rapide à travers le monde. Selon une étude de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), le « taux d’élévation moyen de la mer a doublé«  entre 2013 et 2022, passant de 2,27 mm par an entre 1993 et 2012 à 4,92 mm entre 2013 et 2022. Une situation due à la fonte de la cryosphère sur terre et à la hausse de la température des océans à travers le globe. Selon les dernières estimations du Giec, le niveau moyen des mers augmentera ainsi d’au moins 28 cm d’ici à 2100, dans le meilleur des scénarios ou, si le monde conserve sa trajectoire actuelle, de 63 à 101 cm, soit jusqu’à un peu plus d’un mètre. 

Une élévation du niveau de l’océan qui aura d’importantes conséquences dans l’Hexagone. Outre les risques d’érosion, les côtes françaises seront confrontées à une multiplication des phénomènes de « submersions marines » occasionnels ou temporaires qui pourraient rendre inhabitables des zones bien plus avancées dans les terres qu’initialement envisagé. 

 

20 à 30 submersions par an

 

« Jusqu’en 2050, on devrait avoir en France une vingtaine de centimètres d’élévation du niveau de la mer », détaille pour TF1info Gonéri le Cozannet, chercheur au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Une hausse qui pourrait être comprise entre 40 et 70 centimètres à l’horizon 2100 avec d’importants impacts sur les côtes de la France. Si l’érosion est souvent évoquée, un autre phénomène, moins connu, pourrait être bien plus problématique pour les habitants des littoraux : les submersions marines dont il existe deux sortes, celles qui sont temporaires, liées par exemple à une tempête, ou celles permanentes qui se produisent à marée haute et par temps calme.

Un phénomène qui va « intervenir de plus en plus fréquemment dans les prochaines décennies et qui se produit déjà en Guyane », souligne Gonéri le Cozannet, selon qui il s’agit bien du premier problème lié à la hausse du niveau de la merDans l’Hexagone, à l’horizon 2030, les villes côtières pourraient « subir entre 20 et 30 submersions par an », entraînant l’arrêt des ports touchés et de fortes pertes économiques, alerte celui qui est également expert climat au Giec. 

Même son de cloche du côté d’Alexandre Magnan, géographe et chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales. « Les gens se disent parfois qu’une élévation de 60 cm, ce n’est pas la mer à boire, mais en réalité ce n’est pas juste ça, c’est un cumul de choses », prévient le spécialiste des questions de vulnérabilité et d’adaptation des sociétés au changement climatique« On voit deux grandes conséquences à la hausse du niveau de la mer : l’érosion côtière avec la mer qui mange le littoral, et les submersions marines à la fois temporaires, liées à des événements extrêmes avec la mer qui envahit à un moment donné un site et se retire, et permanentes ». 

 

« Double effet Kiss Cool »

 

Des submersions d’autant plus inquiétantes que dans les années à venir, l’élévation du niveau de la mer sera couplée à des événements météorologiques de plus en plus extrêmes, avec des tempêtes plus violentes. « Des vagues qui arrivent sur la côte sur un niveau marin plus élevé va amplifier le problème des submersions marines. D’autant que les vagues risquent d’être de plus en plus fortes parce que les événements extrêmes qui les génèrent, les tempêtes au large, vont être plus fortes. Donc, on a un double effet Kiss Cool, qui n’est pas cool », illustre Alexandre Magnan. 

À l’avenir, en cas de tempête, « la probabilité pour qu’on soit submergés sera plus importante en raison de la hausse du niveau de la mer. Lorsqu’on a une tempête, en temps normal, les pressions atmosphériques baissent ce qui surélève le plan d’eau, des vagues se forment et le vent pousse les masses d’eau vers la terre. Si vous rajoutez à cela un niveau de  la mer plus élevé, cela augmente la probabilité de submersions plus intenses et plus graves », détaille de son côté Gonéri le Cozannet.

Certaines zones de France sont particulièrement vulnérables, comme la Méditerranée avec les Saintes-Maries-de-la-Mer, dont l’altitude est extrêmement basse, ou encore Palavas-les-Flots et Leucate en Occitanie, « qui sont sur des lits d’eau sableux très bas par rapport au niveau de la mer et donc exposées aux tempêtes, à l’érosion côtière, etc. ». Le chercheur au BRGM signale également la situation de la région des Pays de la Loire ou du Poitou, « où on a non seulement l’élévation du niveau de la mer, des zones basses, mais, en plus, en raison d’une croissance démographique importante, où on développe beaucoup dans la zone côtière, donc où on aggrave les choses ». 

 
 

Réfléchir au « retrait stratégique »

 

Face à ces risques, les deux chercheurs appellent les autorités à agir dès maintenant pour anticiper la multiplication de ces submersions. « Pour le niveau de la mer, on ne sent pas l’urgence parce que contrairement aux sécheresses ou aux canicules, on n’a pas d’exemple frappant d’impact en France. La courbe avance tout doucement, puis elle accélère de plus en plus, mais on a toujours du mal à se projeter sur l’avenir. Car quand on regarde ce qui s’est passé jusqu’à présent, il ne s’est pas passé grand-chose », déplore Gonéri le Gonzannec, bien que la situation devrait changer dans les années à venir.

Alexandre Magnan appelle notamment à étudier la notion de « recul stratégique » déjà mis en place en Nouvelle-Zélande, en anticipant des déplacements de population dans les zones les plus à risques de submersion. « Les gens ne sont jamais heureux de quitter leur domicile, mais si on prend le temps, sur plusieurs décennies, de mettre en place des politiques publiques qui marchent bien, des systèmes de compensation, des systèmes d’aides, une vraie sensibilisation, on peut faire de l’adaptation. De toute façon, vis petits enfants ne pourront plus vivre dans votre maison sur certains littoraux », conclu le chercheur pour qui le manque d’anticipation ne pourra que « générer des catastrophes ».

Source: TF1