Grande Barrière de corail : l’inscription sur la liste des sites en péril de l’Unesco de nouveau recommandée

 

Le gouvernement australien avait obtenu, en juillet 2021, l’envoi d’une mission d’expertise, après une première préconisation de l’Unesco d’inscrire le site sur la liste du Patrimoine mondial en péril. La décision finale est attendue pour la mi-2023.

L’Australie dispose d’encore quelques mois pour convaincre de sa détermination à tout mettre en œuvre pour préserver la Grande Barrière de corail, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1981. Lundi 28 novembre, la mission d’expertise, mandatée par le comité du Patrimoine mondial, en 2021, pour évaluer son état de conservation et les mesures prises par les autorités australiennes pour la protéger, a livré ses conclusions. Elle « recommande que la Grande Barrière de corail soit inscrite sur la liste du Patrimoine mondial en péril ».Article réservé à nos abonnés

Dans ce rapport très détaillé, les experts notent d’abord que « la valeur universelle exceptionnelle du bien est considérablement affectée par des facteurs liés au changement climatique ». Depuis 1998, la plus grande structure vivante de la Terre a subi six épisodes de blanchissement – un phénomène de dépérissement provoqué par la hausse des températures des eaux de surface et qui se traduit par l’expulsion des algues symbiotiques donnant au corail sa couleur vive –, des épisodes de plus en plus fréquents et qui ont atteint plus de 98 % de ses 3 000 récifs.

Alors que le programme Reef (récif) 2050, un plan de préservation sur trente-cinq ans lancé par l’Australie en 2015, prévoit que le pays contribue à l’effort mondial de lutte contre le réchauffement climatique pour contenir l’élévation de la température « nettement en dessous de 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle », le rapport note le manque de « mesures concrètes ». Il rappelle également que la capacité de la Grande Barrière à se remettre est « considérablement compromise, en particulier – mais pas exclusivement – en raison de la qualité dégradée de l’eau ».

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Malgré les sommes colossales engagées par l’île-continent, plus de 2,5 milliards d’euros au total, le royaume sous-marin continue à être affecté par les rejets de sédiments, de fertilisants ou encore par la pollution plastique. Enfin, le document met en exergue une troisième menace : « Les activités de pêche ».

En juin 2021, le bras scientifique de l’Unesco avait déjà préconisé de placer la Grande Barrière sur la liste des sites en péril en raison de sa détérioration. Le gouvernement conservateur, dirigé par Scott Morrison, avait alors lancé une intense campagne de lobbying auprès des Etats membres du comité et avait obtenu, en juillet 2021, qu’une mission soit dépêchée sur les lieux avant qu’une décision soit prise. Cet écosystème unique représente une attraction touristique majeure pour le pays dont dépendent 60 000 emplois.

Changement politique

Les experts se sont rendus sur place en mars. Si la dégradation du bien est confirmée, ils proposent un plan d’action, sous la forme de 22 recommandations, qui pourrait « considérablement améliorer » la capacité de l’Australie à le protéger. La mise en œuvre de cette feuille de route sera prise en compte lors de la décision finale, appartenant au comité, attendue à la fin du premier semestre 2023. Parmi ces recommandations : de meilleures pratiques pour lutter contre la pollution agricole ou l’instauration d’une politique climatique bien plus ambitieuse. Si la hausse de la température mondiale dépasse 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, l’avenir des barrières de corail, sur l’ensemble de la planète, sera compromis.

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Or, depuis le mois de mars, les choses ont évolué en Australie. A la suite des élections législatives de mai, les conservateurs ont laissé la place aux travaillistes, qui avaient fait de la lutte contre le dérèglement climatique l’une des priorités de leur campagne. Mettant fin à neuf ans d’inaction, le nouveau premier ministre, Anthony Albanese, a fait adopter, dès le mois de septembre, une loi qui fixe un seuil minimal de réduction des émissions de CO2 de 43 % d’ici à 2030, et qui consacre l’objectif de zéro émission nette pour 2050. « Ce n’est pas encore suffisant pour limiter le réchauffement à 1,5 degré, mais l’approche a totalement changé. Entre le nouveau gouvernement et l’ancien, c’est un peu le jour et la nuit, constate une source proche du dossier. On sent une préoccupation partagée pour la Grande Barrière, mais il reste beaucoup à faire pour mettre en œuvre les recommandations de l’Unesco. »

Quand un site est classé en péril, le comité élabore et adopte, en concertation avec le pays concerné, un programme de mesures correctives et suit activement l’évolution de son état. Dans le scénario le plus défavorable, le bien peut, à terme, être retiré de la liste du Patrimoine mondial. Ce qui est extrêmement rare.

Source: Le Monde