Des plages croulent sous les déchets plastiques : L’inconscient peut-il servir d’excuse ?

Il suffit de surfer sur les réseaux sociaux pour s’en rendre compte avec des photos qui reflètent bien cette réalité amère : le pays suffoque des bouteilles et sacs en plastique et, pratiquement, aucune zone n’échappe à la prolifération de pareils déchets, et ce, malgré les efforts de la société civile, des associations et des municipalités.

Avec la chaleur de ces derniers jours, les plages tunisiennes voient affluer les baigneurs par milliers, puisque les gens choisissent les villes côtières pour passer leurs vacances d’été. Mais ces derniers ont tendance à consommer excessivement d’aliments et de boissons au bord de la mer, une pratique qui fait partie de nos traditions ! Jusque-là, tout est normal et permis, mais le comportement non civilisé des citoyens fait tache, d’autant qu’il pèse sur les efforts des municipalités qui doivent procéder, à la fin de la journée, à des opérations de nettoyage pour que les plages puissent être propres. Elles doivent ramasser les sacs en plastique et tout type de déchets qui défigurent le paysage et envahissent la mer, ainsi que tout le littoral.

Incivisme, une réalité à prendre au sérieux

«A vrai dire, il existe des poubelles dans plusieurs endroits pour y déposer les gobelets, les mégots, les canettes, les bouteilles en plastique vides et autres déchets… A ces rebuts qui affectent, malheureusement, la biodiversité marine, s’ajoute un nouveau venu qui n’est autre que le masque anti-covid qu’on retrouve désormais partout sur la plage et dans la mer…», témoigne Jihen L., une jeune maman de 35 ans et activiste de la société civile, qui a choisi la plage d’Hammamet pour ses vacances. Et de poursuivre que parfois, on ne parvient pas à comprendre ce qui s’est passé ces dernières années et pourquoi sommes-nous devenus de plus en plus insouciants sans aucun sens de responsabilité et de l’esthétique ! «C’est désolant et frustrant à l’heure où la société civile, les municipalités et les associations n’épargnent aucun effort pour avoir des plages propres sans déchets plastiques…». Pour elle, même si ce manque de civisme est souvent pointé du doigt, il ne faut pas baisser les bras, car il existe des associations qui ne cessent de mobiliser chaque week-end des dizaines, voire des centaines de bénévoles pour la chasse aux immondices. « Là encore, c’est à chacun de nous d’être dans l’action pour transfigurer le paysage et lui rendre sa beauté et sa splendeur. Sinon on ne peut applaudir d’une seule main. Si rien n’est fait, toute la Tunisie risque de devenir un dépotoir à ciel ouvert », juge-t-elle.

Quid du rôle de l’Etat ?

Un avis partagé par Adel B., un enseignant, qui ajoute que pour atteindre tous ces objectifs, il faut aussi et surtout réhabiliter l’inconscient du citoyen tunisien et que l’Etat doit intervenir pour éduquer et tout refonder. «A l’école, au primaire comme au secondaire, on devrait remettre au programme l’éducation civique, l’enrichir et en faire une éducation écologique pour éduquer les élèves sur le sens du beau et du propre… Visant à unifier les Tunisiens autour de la mer, mettant en avant la beauté de nos plages et la richesse de notre patrimoine, cet effort s’inscrit surtout dans le cadre de la sensibilisation contre la pollution et les déchets, étant donné que nos plages abritent une biodiversité riche et fragile. Du coup, tous les Tunisiens devraient retrouver le sentiment d’appartenance à leur pays», souligne-t-il.
Quant à Mohamed S., père d’une famille composée de 5 membres, il propose une autre solution consistant à utiliser d’autres moyens plus rapides : «Je sais que ce n’est pas le bon moment. Mais si le gouvernement veut prendre des mesures contre la saleté envahissant le pays, il peut le faire en mettant en place, non pas un système de prévention (qui n’a pas prouvé son efficacité), mais de “répression”». A son avis, il suffit de toucher le portefeuille des citoyens pour avoir des résultats rapides et efficaces comme c’est déjà le cas en France et dans d’autres pays. «Infliger des amendes est de nature à accélérer le travail qui n’a pas été achevé depuis des dizaines d’années», précise-t-il.

Autre danger…

A vrai dire, le fléau de la pollution plastique fait des ravages en Tunisie et à travers le monde. Un phénomène universel ! Outre la pollution, les sacs plastiques représentent un danger bien réel menaçant nos écosystèmes marins. Chiffres de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) à l’appui, les sacs plastiques tuent, chaque année, pas moins d’1 million d’oiseaux de mer et 100.000 mammifères marins. Afin de tirer la sonnette d’alarme sur la pollution marine, des jeunes ont récemment photographié des tortues marines, retrouvées mortes sur les plages de Ras El Rmal (à Djerba) et de Korba (à Nabeul). Selon les photos publiées, on y voit des tortues marines inertes et échouées sur la plage, dont certains cadavres sont en trop mauvais état. Ces dernières mangent du plastique, car elles sont attirées par son odeur. Elles prennent les sacs plastiques pour des méduses et les avalent. Il faut le dire, ce n’est pas le premier cadavre d’animal qu’on retrouve mort sur nos plages et ce n’est pas par hasard de trouver toutes ces tortues mortes, car cet incident n’est pas un fait isolé, puisque la plage ne cesse de se dégrader et l’écosystème marin tunisien a été totalement bouleversé.

Source : La Presse