Début des négociations intergouvernementales sur le traité international contre la pollution plastique

Les Etats sont réunis à Punta del Este, en Uruguay, du 28 novembre au 2 décembre. L’Union européenne soutient un accord juridiquement contraignant, à la différence des Etats-Unis.

« Ce jour marque le triomphe de la planète Terre sur les plastiques à usage unique. Il s’agit de l’accord multilatéral sur l’environnement le plus important depuis l’accord de Paris [sur le climat] ». C’est peu dire que la directrice exécutive du Programme des Nations unies sur l’environnement, Inger Andersen, était satisfaite de l’adoption, le 2 mars, sous l’égide des Nations unies, d’une « résolution historique » visant à « mettre fin à la pollution plastique » à travers l’élaboration d’un traité international juridiquement contraignant d’ici à 2024. Après les félicitations, débute le temps des négociations. Elles s’ouvrent lundi 28 novembre à Punta del Este (Uruguay) avec la première des cinq réunions du Comité intergouvernemental de négociation (CIN) programmées jusqu’en 2024. C’est cette instance qui est chargée de rédiger le futur traité. « Le mandat du CIN n’accorde à aucune des parties prenantes une pause de deux ans », a averti Inger Andersen.Article réservé à nos abonnés

L’urgence est à la hauteur de la menace. La production mondiale de plastique a doublé entre 2000 et 2020 pour atteindre 460 millions de tonnes par an et devrait flirter avec le milliard à l’horizon 2050 si rien n’est fait. A cette échéance, les émissions de gaz à effets de serre associées à la production, à l’utilisation et à l’élimination des plastiques devraient représenter 15 % des émissions mondiales. Et au rythme actuel, la pollution plastique des océans (11 millions de tonnes par an) aura quadruplé d’ici à 2050.

Ce premier tour de négociations devrait permettre de mieux cerner les positions et les ambitions des différentes « parties prenantes ». Premier point de friction potentiel, le champ du traité. Le mandat confié au CIN invite certes les Etats à prendre en compte l’ensemble du cycle de vie du plastique (de l’extraction des combustibles fossiles au recyclage), mais certains pays, comme le Japon ou l’Arabie saoudite (grand producteur de pétrole), aimeraient n’avoir à traiter que de la gestion des déchets en plastique et de l’enjeu de la pollution marine

Approche moins ambitieuse des Etats-Unis

Une coalition coprésidée par la Norvège et le Rwanda, défend un texte de « haute ambition ». Elle regroupe pour l’heure une cinquantaine d’Etats dont l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France qui s’est portée candidate pour accueillir le deuxième round de négociations au printemps 2023. L’Union européenne vient également de la rejoindre. La coalition vise la fin de la pollution plastique à l’horizon 2040 en fixant trois objectifs principaux : limiter la consommation et la production de plastique à des niveaux « soutenables », développer une économie circulaire qui protège l’environnement et la santé humaine, assurer une gestion et un recyclage « écologiquement rationnel » des déchets plastiques. Ni la Chine, grand producteur et consommateur de plastique, ni les Etats-Unis ne font partie de cette coalition.

Les Etats-Unis, qui devraient envoyer plus de 35 délégués à Punta del Este, défendent une approche moins ambitieuse. « Leur objectif est de limiter autant que possible de quelconques obligations contraignantes et de faire reposer toute la responsabilité sur des plans nationaux volontaires sur le modèle de l’accord de Paris qui montre largement ses limites, commente l’avocat David Azoulay, qui participe aux négociations pour le Centre pour le droit international de l’environnement. Toujours soucieux de s’aligner sur les positions de leur industrie pétrolière, les Américains veulent faire du traité un espace où les industries pourraient venir faire des déclarations d’intentions, sans aucun mécanisme de contrôle et reléguant à la marge les négociations sur des mesures contraignantes. »

A l’instar de la conférence mondiale sur le climat (COP27) à Charm El-Cheikh, les lobbyistes des énergies fossiles seront également présents à Punta del Este : une cinquantaine de représentants dont la moitié provenant du secteur de la pétrochimie sont attendus en Uruguay comme « observateurs ». De leur côté, la communauté scientifique et les associations environnementales appellent à un traité « fortement contraignant » avec des objectifs de réduction de la production de plastique et des interdictions pour les polymères les plus problématiques comme le polystyrène.

Source: Le Monde