Climat : la Méditerranée face au défi du réchauffement

 

Les régions méditerranéennes sont touchées de plein fouet par le réchauffement climatique. Comment s’adapter et vite ? Alors que la COP 27 vient de s’achever, Marie-Anne Sorba et Jean-Marc Cazenave dressent l’état des lieux et évoquent les différentes projections dans un documentaire inédit, « Méditerranée, le défi du réchauffement ».

« L’été de tous les extrêmes ». C’est ainsi que Météo France résume l’été 2022 dans un récent bilan climatique. Il se classe au deuxième rang des plus chauds observés en France depuis le début du 20ème siècle. Trois vagues de chaleur intenses et remarquables, de nombreux records de températures battus et une sécheresse des sols superficiels qualifiée d’historique

Le sud de l’Hexagone n’a pas été épargné, d’autant que la Méditerranée est aujourd’hui l’une des régions du monde les plus touchées par le réchauffement. Et la situation estivale que nous avons connue cette année pourrait bien devenir une norme d’ici la fin du siècle.

Déjà auteurs d’un documentaire édifiant sur l’impact du changement climatique en Méditerranée, Marie-Anne Sorba et Jean-Marc Cazenave reviennent ici sur le réchauffement et ses conséquences en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Experts, chercheurs et acteurs du territoire témoignent dans ce film.

Le défi de l’adaptation

Premier constat frappant : la rapidité du phénomène. Elle serait sans précédent dans notre histoire, selon certains spécialistes. « Entre la période glaciaire qui s’est terminée il y a à peu près 20 000 ans et le début de la période chaude actuelle qui a commencé il y a 10 000 ans, on avait un réchauffement d’environ 5 degrés » analyse Joël Guiot, climatologue au CNRS. « Avec le scénario appelé business as usual – c’est-à-dire on continue comme avant – ce qui est prévu par les modèles entre la période pré-industrielle et 2100, c’est aussi 5 degrés.  Donc le même ordre de grandeur, mais là ça se produit en 100 ans. »

Quelle que soit l’évolution des émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement met donc tous les Provençaux au défi de l’adaptation, qu’ils vivent en ville, à la campagne, sur le littoral ou en montagne.

La résilience de notre environnement sera-t-elle compatible avec la rapidité des changements qui attendent le climat méditerranéen ?

Pour le milieu marin, les dés sont jetés, assurent les deux réalisateurs. Les changements sont déjà là, sous nos yeux. La température de la mer Méditerranée a augmenté de plus de 2 degrés depuis les années 70.

La pêche va devoir s’adapter à l’arrivée d’espèces tropicales, mais aussi à la disparition des coquillages, des moules, des huîtres qui succomberont à l’acidification de l’eau, provoquée elle aussi par l’excès de rejet de gaz à effet de serre. La biodiversité, dont la Grande Bleue est un « hot spot », est menacée.

Par rapport à sa surface, la mer Méditerranée a beaucoup beaucoup d’espèces, dont certaines qui sont endémiques, c’est-à-dire qu’on ne trouve qu’ici. Si on les perd, c’est une perte irrémédiable.

Jean-Pierre Gattuso, océanologue

 

Les climatologues prévoient également que les canicules estivales deviendront la norme et pourraient durer jusqu’à 3 mois. Les villes deviendront insupportables à vivre si elles ne sont pas végétalisées.

De nouveaux modèles agricoles

Les paysages vont aussi se transformer. De nouvelles espèces vont être cultivées pour résister aux températures extrêmes et au manque d’eau. Même en montagne, où l’élevage traditionnel est remis en cause par le manque d’herbe et de fourrage, les paysans devront probablement inventer de nouveaux modèles d’agriculture.

Anne-Marie Gros, éleveuse, observe déjà des évolutions. « On plante beaucoup plus de vigne dans les Hautes-Alpes, la culture d’amandiers remonte chez nous, on plante des cerisiers à 900 m d’altitude, l’année prochaine on a des essais sur de la plantation de quinoa… On voit bien que tout est en train de changer et c’est ce que je dis à mes enfants : peut-être que vous ne ferez pas de fromage parce que l’herbe ne sera pas assez grasse pour nourrir des vaches, mais vous vendrez du vin… ou vous aurez des ananas ! Enfin, je plaisante pour les ananas… »

La rapidité du réchauffement climatique est un défi pour toutes les exploitations agricoles de la région et certaines, comme en Camargue, n’auront peut-être pas le temps de s’adapter aux bouleversements.  

Mais sommes-nous capables de nous mobiliser pour les générations à venir ? De revoir en profondeur nos choix de société dès maintenant ? C’est toute la question. La grande source d’incertitude ne vient pas des projections climatiques mais de l’impossibilité de prédire nos choix collectifs.

« Est-ce qu’on va être raisonnable et faire cette transition énergétique de manière à arrêter de rejeter du CO2 en quantité énorme dans l’atmosphère ? Ce volet économique et sociétal est extrêmement difficile à prédire, et même impossible » souligne Jean-Pierre Gattuso, océanologue et membre contributeur du GIEC. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat travaille d’ailleurs à partir de plusieurs scénarios.

Selon le scénario dit « optimiste », la hausse des températures peut encore se stabiliser après 2050. Le climat de la France méridionale ressemblera alors à celui du sud de l’Italie, plus chaud, plus sec, avec 500 mm de précipitations annuelles et 5 mois de sécheresse estivale…

L’eau, une ressource plus rare

La baisse des précipitations et du niveau des cours d’eau est un autre aspect crucial du réchauffement. En Provence, tout l’équilibre hydrique repose sur le débit de la Durance. Avec ses affluents comme le Verdon, elle représente 70% des ressources en eau. Une pénurie et c’est tout un approvisionnement qui est compromis.

Aussi, le partage de l’eau, cette richesse vitale, est-il sans doute le plus grand défi que le réchauffement impose aux populations méditerranéennes du 21ème siècle.

Les hydrogéologues prévoient une concurrence accrue, obligeant les agriculteurs, les particuliers, les touristes et les industriels à diminuer leur consommation, chasser les fuites, stocker l’eau, utiliser des systèmes d’irrigation plus économes…

Je pense qu’on va devoir tous faire un effort pour que le système soit tenable dans le temps, compte tenu des changements climatiques.

Charlotte Alcazar, hydrogéologue, directrice du SYMCRAU

 

Gestion de l’eau, canicules, montée du niveau de la mer, mutations de l’environnement… personne ne sera à l’abri, conclut le film. Dans ces régions méditerranéennes qui cumulent tous les risques du réchauffement climatique, le temps n’est plus à la prise de conscience, mais à l’action individuelle et collective.

Source: franceinfo