Baleines bleues : le plus gros animal du monde aux portes de La Réunion

Elles n’avaient jamais été vues auparavant au large des côtes réunionnaises : voilà que les baleines bleues font leur apparition. Deux observations ont été faites en cette année 2022, l’une en janvier et l’autre en ce mois de mai. Une formidable nouvelle pour la biodiversité marine. (Photo : Aymeric Bein de Biotope océan Indien / Globice)

Elles mesurent entre 24 et 30 mètres de long : si nous avons l’habitude d’appeler les baleines à bosse les « géantes des mers », leurs consoeurs les baleines bleues sont littéralement gigantesques. Il s’agit, de fait, du plus grand animal du monde.

Et fait exceptionnel pour l’association Globice, en charge de l’observation et l’identification des cétacés à La Réunion, ce sont deux baleines bleues qui ont été observées en cette année 2022. Elles n’avaient jamais été aperçues près des côtes réunionnaises.

Si la première, observée le 5 janvier au large du Cap Lahoussaye, s’avère être une baleine bleue pygmée (une sous-espèce de la baleine bleue que l’on trouve près de Madagascar), la seconde observée ce mardi 10 mai n’est pas identifiable précisément. « Au vu des photos, il est impossible de distinguer l’espèce, on ne peut pas dire si c’est une baleine bleue antarctique ou une baleine bleue pygmée » précise Globice. A noter que la seconde n’a de pygmée que le nom puisqu’elle mesure environ 24 mètres, contre 30 pour la première. En comparaison, les baleines à bosse mesurent environ 15 mètres.

– Plus éloignées, plus furtives –

« C’est une nouvelle preuve de la fantastique biodiversité marine de notre zone, qui regroupe 24 espèces de cétacés » se réjouit Jean-Marc Gancille, responsable sensibilisation et communication chez Globice.

Si le mammifère géant n’avait jamais été observé aussi près de nos côtes à ce stade, c’est parce que malgré sa taille, il est difficile à voir. « Les baleines bleues sont plutôt solitaires, sauf quand elles sont avec leur baleineau bien sûr. C’est aussi une espèce furtive, qui se trouve très au large » explique Jean-Marc Gancille. Le spécimen photographié par Aymeric Bein de Biotope océan Indien, dans le cadre des suivis environnementaux aériens de la Nouvelle route du littoral, se trouvait à 27 miles soit environ 43 km de nos côtes. Des zones où la probabilité de les croiser reste donc plutôt faible.

– Des différences notables avec la baleine à bosse –

Non seulement elle fait le double de sa taille, mais la baleine bleue est notablement différente de la baleine à bosse. « Elles n’ont pas la même répartition géographique, pas la même logique de migrations, pas les mêmes caractéristiques physiques » indique Jean-Marc Gancille.

Nos baleines à bosse, que l’on retrouve (presque) chaque année lors de la saison qui va de juin à septembre à La Réunion, ont le corps noir et la tête « couverte de bosses et de boutons (tubercules) » note le Guide d’identification des baleines, dauphins et marsouins de Wild Whales. Elles ont de longues nageoires pectorales, blanches sur le dessous. Leur souffle est « de taille moyenne en forme de buisson ». La baleine à bosse fait surface « 2 à 5 fois entre chaque plongée profonde ». Au niveau du comportement, les mâles « s’affrontent » sous forme de démonstrations de sauts en saison des amours.

Les baleines bleues, elles, ont une apparence bleue-grise mouchetée, la peau lisse et la nageoire dorsale est de forme vairable, « très petite proportionnellement au reste du corps » selon Wild Whales. Leur souffle peut atteindre neuf mètres de hauteur. La forme du corps est bien plus allongée que celle de la baleine à bosse.

– Des données bioacoustiques précieuses –

Les raisons de cette double observation en 2022 restent approximatives pour l’instant. « La fin de la chasse dans l’hémisphère sud joue beaucoup : les populations se reconstituent. Pour la baleine à bosse par contre, on note une forte augmentation de la population depuis 20 ans » note Jean-Marc Gancille.

Pour l’association, les récentes observations de baleines bleues « corroborent les données acoustiques attestant la présence de baleines bleues antarctique et pygmée non loin des côtes réunionnaises ». De fait, après les preuves audios viennent les preuves visuelles. Mais Emmanuel Leroy, docteure chargée de recherche bioacoustique chez Globice, n’est pas tellement surprise. « Je suis arrivée dans l’organisation il y a un an et demi et je me disais : aucune baleine bleue dans nos eaux, ce n’est pas possible. » Elle confirme cependant que les repérer est souvent ardu, du fait aussi qu’elles ne réalisent pas de sauts contrairement aux baleines à bosse.

Depuis 2010 déjà, Emmanuelle Leroy enregistre des sons de baleines bleues dans les eaux situées entre Antarctique et océan Indien. Au cours de sa thèse à l’Université de Brest, elle pose des hydrophones à des points stratégiques, à l’origine « pour étudier la sismicité des dorsales océaniques (chaînes de montagnes sous-marines, ndlr) ». Dans les enregistrements effectués, des sons lents, profonds, graves : il s’agit de baleines bleues.

« Ces chants sont beaucoup moins complexes que ceux des baleines à bosse. On trouve le même motif d’année en année, composé de trois ou quatre unités seulement. La baleine bleue antarctique ne varie que sur deux notes, la baleine bleue pygmée trois ou quatre notes » explique la chercheuse. Si différencier les deux sous-espèces l’une de l’autre sur le strict plan visuel est ardu, elle a appris à les reconnaître directement en écoutant leurs chants.

Ecoutez :

Pour pouvoir écouter ces sons, il a fallu les accélérer dix fois. « Les chants de baleine bleue antarctique se situent entre 18 et 26 hertz, l’oreille humaine (d’une limite de maximum 20 hertz, ndlr) n’est pas assez fine pour entendre ça. Les sons de baleine bleue pygmée tournent autour de 35 hertz » précise Emmanuelle Leroy. Les notes durent 20 secondes chacune et se répètent toutes les 50 secondes pour les baleines bleues antarctiques… et jusqu’à deux minutes toutes les 200 secondes pour les baleines bleues pygmées.

Si ces précieux enregistrements donnent peu d’informations sur les comportements des baleines bleues, ils nous renseignent sur la répartition géographique et la migration de ces mammifères marins. « Elles ont une logique de déplacement nord-sud, s’alimentent dans l’Antarctique pendant l’été austral, jusqu’à nos latitudes, mais n’ont pas les mêmes zones de reproduction que les baleines à bosse. Contrairement à elles, elles n’ont pas d’endroits définis. Elles sont plus solitaires aussi » explique Emmanuelle Leroy.

De nouveaux hydrophones ont été plongés pour plusieurs mois au large de nos côtes. Tout comme celui remonté au bout de neuf mois sur le Mont La Pérouse, ils pourraient permettre de connaître de mieux en mieux le langage des baleines bleues.

Source: IMAZPRESS