Atlantica Sénégal : plaidoyer pour une Cité de la Mer et du Fleuve (Par Oumar Ba)
7 novembre 2025
7 novembre 2025
Le Sénégal est un pays façonné par les eaux. Entre l’Océan Atlantique, le fleuve éponyme et les autres grands cours d’eau – Gambie/Saloum, Casamance – s’est tissée une histoire millénaire de courants, de voyages et migrations, de brassages culturels et d’échanges commerciaux.
De Saint-Louis à Kayar, de Rufisque à Kaolack ou Ziguinchor, chaque port, chaque pirogue, chaque embarcadère, chaque village côtier raconte une partie du monde.
Mais cette histoire maritime, qui fut jadis gloire, commerce (quelques fois triangulaire), échanges et douleurs, demeure inachevée. Car le Sénégal est un pays de mer… qui regarde encore trop la terre. Or, dans un monde en quête de durabilité, d’identité et d’innovation bleue, le destin du pays est de renouer avec l’eau, de redevenir ce qu’il fut : une puissance maritime, culturelle et scientifique.
Cela devrait faire naître une ambition : créer une Cité de la Mer et du Fleuve.
Sur la côte Atlantique ou sur l’une des rives historiques du pays, pourrait naître un projet visionnaire : “Atlantica Sénégal” (ou tout autre nom plus inspiré). C’est un vaste complexe scientifique, culturel, écologique et touristique, conçu comme un symbole de souveraineté, de mémoire et d’avenir. Un lieu où la mer devient école, le fleuve devient laboratoire et l’eau devient lien entre les peuples.
La Cité de la Mer incarnerait un modèle d’aménagement innovant et durable fondé sur quatre piliers majeurs :
À l’image de l’Institut Océanographique de Monaco, du Scripps Institution of Oceanography (Californie) ou du National Oceanography Centre (Royaume-Uni), le Sénégal se doterait d’un Centre international de recherche océanographique et fluviale (CIROF).
Ce serait un hub de connaissances, associant universités, chercheurs, start-ups et institutions internationales autour de :
Ce pôle scientifique serait le moteur du leadership environnemental et climatique du Sénégal en Afrique de l’Ouest, à l’image du rôle du Kenya dans la conservation ou du Maroc dans les énergies renouvelables.
Comme le Musée océanographique de Lisbonne ou le National Maritime Museum de Greenwich, le Musée de la Mer et de la Mémoire Atlantique retracerait l’histoire maritime africaine, allant de la navigation précoloniale aux explorations européennes et de la traite transatlantique à la mondialisation contemporaine.
Ce lieu mêlerait archives, créations artistiques, technologies immersives et récits populaires, valorisant les savoirs traditionnels (les moyens de navigation, la culture des pêcheurs et peuples de l’eau, les récits, chants et rites des navigateurs et les témoignages des anciens). Il deviendrait un espace d’universalité : un lieu de réconciliation entre les continents et les peuples, mais dans une dimension prospective : du souvenir à l’avenir.
S’inspirant du modèle de l’Oceanopolis de Brest ou du Singapore Marine Life Park, le futur Aquarium géant de l’Atlantique présenterait la diversité de la faune et de la flore marine et fluviale d’Afrique notamment occidentale. Un lieu de découverte et d’apprentissage interactif pour les familles, les écoles, les chercheurs et les touristes.
À cela s’ajouterait l’École Bleue du Sénégal, une institution de formation aux multiples métiers de la mer : océanographie, ingénierie navale, plongée, aquaculture, énergies marines, archéologie sous-marine, muséologie, écotourisme, etc.
Cette école deviendrait le pilier d’une économie bleue souveraine et compétitive, en lien avec les universités, la Marine, les entreprises et les collectivités territoriales.
Inspirée par des modèles tels que The Ocean Cleanup (Pays-Bas), le Blue Economy Institute (Norvège) et le Centre Scientifique de Monaco, la Cité intègrerait des laboratoires de restauration écologique, des programmes de replantation de mangroves, des plateformes d’observation climatique et des initiatives contre la pollution (notamment plastique).
Un Observatoire du Littoral et des Fleuves suivrait l’érosion côtière, la salinisation, la qualité des eaux, la montée du niveau de la mer. Ainsi, la Cité-Monde deviendrait un outil scientifique au service des politiques publiques et, au-delà du symbole, une infrastructure de souveraineté environnementale.
III. Un levier économique, touristique et territorial
La Cité serait un accélérateur d’investissement et d’innovation : un cluster d’entreprises maritimes, de start-ups écologiques, d’instituts de recherche et de partenariats internationaux.
Les retombées économiques seraient multiples :
La Cité de la Mer positionnerait le Sénégal comme capitale maritime et environnementale de l’Afrique de l’Ouest, à l’instar de Lisbonne pour l’Europe atlantique, Monaco pour la Méditerranée ou Busan pour l’Asie.
Dakar, déjà siège d’institutions régionales et hub aérien, deviendrait aussi un carrefour maritime du savoir, de la culture et de l’écologie. Ce projet incarnerait une diplomatie douce du Sénégal, faisant rayonner son image de nation ouverte, durable et inspirante. Et évidemment, un pôle touristique majeur.
L’architecture de la Cité, inspirée des formes fluides de la mer et des pirogues traditionnelles, serait conçue selon les principes de l’urbanisme durable : énergies renouvelables, gestion de l’eau, matériaux locaux, résistance aux aléas climatiques, intégration paysagère, etc.
Un geste architectural fort, à la manière du Musée des Civilisations Noires ou du Grand Egyptian Museum, pour incarner la vision d’un Sénégal tourné vers l’avenir et l’universel.
Le projet reposerait sur un modèle hybride et collaboratif :
Des partenariats pourraient être noués avec, entre autres :
Atlantica Sénégal n’est pas un simple projet d’infrastructure. C’est un projet de civilisation, une grande œuvre de mémoire et d’avenir, qui parle autant à la jeunesse qu’à la science, autant à la planète qu’à l’histoire.
Historiquement, elle réconcilie la mémoire de la traite et la fierté maritime africaine.
Écologiquement, elle engage la Nation dans la lutte mondiale pour les océans.
Économiquement, elle crée de la valeur et de l’emploi autour d’un modèle innovant et durable.
Scientifiquement, elle positionne le Sénégal au cœur des savoirs autour de la mer.
Culturellement, elle renoue avec l’imaginaire des eaux, des voyages et des rencontres.
Politiquement, elle affirme un leadership régional, voire mondial, sur les enjeux de la mer et du climat.
La Cité de la Mer et du Fleuve serait à la fois une promesse et un héritage. Une promesse faite à la jeunesse : celle de l’avenir, du savoir et de la dignité retrouvée.
Un héritage rendu au monde : celui d’un continent qui ne subit plus les courants, mais les oriente à la lumière des enseignements d’un passé et d’une mémoire entretenue.
Le Sénégal, par ce projet, redeviendrait un phare sur l’Atlantique,
un lieu où la mer éclaire la terre,
où la science rencontre la mémoire,
où le passé devient avenir.