Traité sur l’Antarctique, un besoin de renouvellement de la gouvernance entre nouveaux enjeux et déficit de transparence

 

La 47ème Réunion consultative du Traité sur l’Antarctique (RCTA) s’est achevée le 3 juillet à Milan, en Italie. Cette rencontre, bien que peu couverte par les médias, a mis en lumière de nouveaux enjeux pour le continent polaire confronté à de rapides mutations en raison du changement climatique et de l’intensification des activités humaines.

L’Antarctique est le dernier des continents à avoir été découvert, il y a 200 ans. Sa superficie est d’une fois et demie celle de l’Europe. Il est recouvert par deux immenses calottes glaciaires, dont l’épaisseur peut atteindre les 4 km. La calotte antarctique représente 70 % de l’eau douce de la planète. Les conditions climatiques extrêmes rendent très difficiles les installations humaines pérennes. Surtout, ce vaste territoire n’appartient à aucun pays. Les activités humaines y sont régies par le Traité sur l’Antarctique et les réunions consultatives du Traité sur l’Antarctique qui se déroulent tous les ans.

Le Traité sur l’Antarctique est un accord international signé à Washington le premier décembre 1959 par 12 pays. Tous avaient mené des projets scientifiques pendant l’Année Géophysique Internationale de 1957-1958 et installé des bases en Antarctique. La France est un de ces 12 pays. Puis, le Traité est entré en vigueur en 1961. Il compte aujourd’hui 58 états-signataires qui participent aux réunions. Vingt-neuf de ces pays sont des Parties consultatives, qui ont le droit de voter lors des négociations pendant les RCTA, les autres sont des Parties non-consultatives, qui n’ont pas de droit de vote. Aux réunions, sont également présents des Observateurs (comme le SCAR, le Comité scientifique de la recherche en Antarctique) et des experts et ONG comme IAATO, l’Association internationale des tour Operators antarctiques, ou l’ASOC, Antarctic and Southern Ocean Coalition, et d’autres). Ces derniers participent aux discussions sans pouvoir voter.

Le traité sur l’Antarctique, souvent cité comme un exemple dans la coopération, la paix et la science ©Lucia Sala Simion

Les piliers du Traité sont essentiellement les suivants : L’Antarctique sera utilisé exclusivement à des fins pacifiques, il y a interdiction d’installer des bases militaires ou d’effectuer des test nucléaires ; la recherche scientifique et la coopération entre pays sont libres, le partage d’informations est encouragé ; les revendications territoriales sont interdites ; toutes les stations scientifiques, les navires et autre équipement peuvent être inspectés à tout moment par les autres pays membres du Traité.

 

Des décisions au consensus qui prennent du temps

 

À la 47e RCTA organisée à Milan du 23 juin au 3 juillet par le Ministère italien des Affaires Étrangères en collaboration avec le Secrétariat du Traité, participaient 450 délégués de 58 pays. Cinquante-deux propositions de travail ont été présentées, dont certaines en collaboration par plusieurs pays, à côté d’autres dizaines de papiers d’informations et de recommandations.

Certaines décisions étaient très attendues, mais la rencontre n’a pas forcément débouchée sur des résultats éclatants, de nombreux projets de travail ont été repoussés à la prochaine rencontre de la RCTA prévue en 2026 au Japon. En effet, le consensus est requis pour qu’une mesure soit adoptée : il suffit donc du blocage d’un ou deux pays pour ralentir les décisions.

Ainsi, une proposition présentée par l’Allemagne, la France, la Norvège, le Royaume-Uni et Monaco de déclarer les manchots empereurs une espèce spécialement protégée de l’Antarctique (selon l’Annexe 2 du Protocol, article 3) n’a pas encore abouti. Il en va de même pour une demande du Canada et du Belarus de devenir parties consultatives, avec droit de vote. Les demandes seront rediscutées l’an prochain au Japon.

La 47ème Réunion consultative du Traité sur l’Antarctique (RCTA) s’est achevée le 3 juillet à Milan, en Italie. ©Lucia Sala Simion

Le temps de la diplomatie est parfois extrêmement long, trop long selon certains observateurs. Les dernières études scientifiques sur les manchots empereurs : montrent que leur population risque de décliner plus rapidement que prévu à cause de la perte de leur habitat liée au réchauffement des océans et à la disparition de la banquise.

 

Encadrer le tourisme et d’autres activités humaines en plein essor en Antarctique

 

Il n’existe aucun cadre global systématique de travail pour réglementer le tourisme antarctique au niveau du continent, cela se fait actuellement site par site. La 47e RCTA n’est pas encore parvenue à faire bouger les lignes sur ce sujet. Pourtant, les Pays-Bas portent un tel projet afin de répondre à l’essor sans précédent du tourisme dans la région. Selon l’association des tour-opérateurs antarctiques (IAATO) lors de la saison 2025-2024 environ 110 000 personnes visiteront le septième continent.

D’après nos informations, les délégués ont planché de longues d’heures pour trouver un accord, qui aurait pu représenter un des succès de cette RTCA. Mais tout a été remis à de futures réunions, probablement en 2029 quand la RCTA se tiendra au Pays-Bas, nation à l’origine de la proposition.

 

Une ouverture des négociations pour plus de crédibilité et de confiance

 

La RCTA 47 s’est tenue en vase clos, les réunions n’étaient pas accessibles aux médias qui ne sont pas enregistrés. Uniquement, la séance inaugurale (ouverte au public par statut) a été accessible pendant 20 à 30 minutes. Certains observateurs de l’événement ont évoqué l’existence du « rideau de fer » et recommandé son ouverture. Des échanges sur le besoin de « transparence » ont eu lieu au sein de la RCTA pour demander plus de transparence lors des réunions, afin qu’elles soient plus accessibles aux médias, et même au public.

L’ouverture se fera graduellement. L’Australie, les Pays-Bas et la Corée du Sud ont présenté une proposition de travail (la n. 16) qui prévoit la possibilité pour les médias de s’accréditer à la RCTA, l’organisation de points presse réguliers, la publication de documents avant la RCTA, la participation d’un plus grand nombre d’ONG (actuellement une dizaine). Le Japon, qui organisera la prochaine RCTA en 2026 à Hiroshima, a déjà soulevé la question d’une plus grande transparence et annonce qu’un webinar en anglais au titre Streghtening the Transparence of the Antarctic Treaty System (Améliorer la transparence du système du Traité sur l’Antarctique) se tiendra le 31 juillet 2025, les inscriptions sont ouvertes dès maintenant.

Source : goodplanet