En Norvège, la lente agonie du saumon sauvage face à l’aquaculture

 

Le saumon se fait rare, à tel point que la Norvège l’a placé en 2021 sur sa liste rouge des espèces quasi menacées. Une proportion toujours plus importante de ces poissons qui migrent entre eau douce et eau salée ne reviennent pas frayer sur leur lieu de naissance, en amont des cours d’eau. Ils disparaissent en mer pour des raisons encore mystérieuses mais que les scientifiques pensent liées au changement climatique.

Seuls 323.000 saumons sauvages ont remonté les rivières norvégiennes en 2024, soit moins du tiers par rapport aux années 1980, selon le Comité scientifique pour la gestion du saumon, organisme indépendant mis en place par les autorités.

 

« La pêche au saumon est très importante pour la Norvège, tant pour les communautés locales dans les vallées fluviales que pour l’économie. Et elle attire de nombreux touristes« , souligne Aksel Hembre, vice-président de Norske Lakselver, association regroupant les exploitants des rivières à saumon.

Mais face à l’effondrement de la montaison (le nombre de poissons qui remontent les rivières), les autorités l’ont suspendue dans 33 cours d’eau l’an dernier et l’ont assortie cette année de restrictions : fermeture de certaines rivières, saisons raccourcies pour d’autres, quotas…

Un coup de massue pour les professionnels du tourisme et les 60 à 80.000 pêcheurs sportifs qui se livrent à leur passion dans les cours d’eau où la population de salmonidés est jugée suffisamment abondante.

 

Tourisme, emploi : un business florissant

 

Vue aérienne d’une ferme d’élevage de saumon dans le fjord de Trondheim. © Jonathan KLEIN

Si le changement climatique perceptible dans les rivières (réchauffement des eaux, précipitations et sécheresse…) et en mer (modification de l’écosystème et des sources alimentaires…) est difficile à enrayer, un autre responsable est pointé du doigt : l’aquaculture.

Depuis les années 1970, la Norvège produit du saumon d’élevage, une industrie lucrative qui a rapporté 10 milliards d’euros en 2024 (deuxième produit d’exportation derrière les hydrocarbures) et qui crée des emplois bienvenus sur le littoral.

Ses fjords sont parcourus par des centaines de fermes aquacoles.

Chacune de leurs six à douze cages flottantes peut contenir jusqu’à 200.000 poissons.

Non seulement le saumon d’élevage est, selon certaines estimations, mille fois plus nombreux que le saumon sauvage mais il contribue aussi à son extinction.

 

Les cages ouvertes menacent les poissons environnants

 

Les principales menaces qu’il fait planer sont liées aux poux de mer (des parasites qui pullulent dans les fermes), les évasions qui peuvent générer des croisements génétiques indésirables et les maladies, selon le Comité scientifique pour la gestion du saumon.

Pour éradiquer ces problèmes, de nombreuses voix s’élèvent pour que les cages, aujourd’hui ouvertes sur leur environnement, cèdent la place à des systèmes hermétiques mais plus coûteux.

« Nous exigeons qu’il n’y ait aucune émission, aucune fuite de poissons et aucun impact des poux sur le saumon sauvage. C’est indispensable si nous voulons sauver celui-ci« , souligne Aksel Hembre.

 

Le secteur demande du temps

 

« Cela ne progresse pas très vite car c’est assez complexe. Imaginez construire un système fermé et l’installer en mer, comparé à un système ouvert. Il y a énormément de choses à prendre en compte« , fait valoir Øyvind André Haram, porte-parole de la Norwegian Seafood Association, qui regroupe les poids lourds du secteur. Le secteur réclame aussi davantage d’études pour expliquer le déclin des stocks.

De son côté, le Parlement s’est entendu en juin sur un texte prévoyant une régulation des élevages d’ici deux à quatre ans et qui devrait pousser le secteur à passer aux cages fermées.

Source : rtbf