C’est unique : le musée national de la Marine, à Paris, a créé son propre parfum

 

Des portes d’entrée jusqu’aux espaces dédiées aux collections, les visiteurs du musée national de la Marine, qui a rouvert ses portes le 17 novembre place du Trocadéro à Paris, sont accompagnés par une véritable signature olfactive qui va bien au-delà du parfum d’ambiance. Récit d’un fantasme devenu réalité.

À l’occasion de réouverture du musée national de la Marine le 17 novembre, au Palais de Chaillot à ParisOuest-France vous propose, du 9 novembre au 9 décembre 2023, une série de reportages et de contenus inédits sur la rénovation et la transformation de ce lieu imaginé en 1748. Aujourd’hui, la création d’une signature olfactive spécifique et unique en France.

C’est Véronique Paintrand qui parle. Elle est cheffe du département marketing qui a coordonné la signature olfactive du musée national de la Marine. « Au départ, ce projet n’était qu’un sentiment, une intuition. Je n’avais rien pour prouver au directeur qu’il fallait y aller, mais il m’a fait confiance. »

Son idée originelle : faire vivre, dans ce lieu si singulier, place du Trocadéro, une expérience olfactive aux visiteurs, comme un marqueur identifiant, en plus de tout ce que propose le musée. Pas un simple marqueur qui brûlerait la gorge ou incommoderait comme cela peut être le cas dans de nombreuses expositions immersives ou plus communément dans certains magasins, mais une création. Un vrai parfum.

« On entre et on a la sensation olfactive d’être en pleine mer »

Dans son cheminement, Véronique Paintrand a croisé la route de « Studio Magique », un studio spécialisé dans les expériences polysensorielles, donc de Mazen Nasri, son fondateur, et Philae Rollet-Bouclet, cheffe de projets. Laquelle se remémore : « L’idée, c’est de couper avec la ville, le Trocadéro et les voitures, et d’arriver en mer. Qu’on ait cette sensation. » Mazen Nasri : « Oui, et créer cette coupure en lien avec l’architecture et les espaces du musée. » Se retrouver instantanément au large, dans une ville ou l’océan est plus intellectualisé qu’à Port-Louis, Toulon, Rochefort ou Brest.

Partant de cette feuille blanche, car aucun musée en France ne possédait jusque-là sa signature olfactive, l’équipe a couché sur le papier tout ce qui pouvait conduire à un parfum ancré et universel. Philae Rollet-Bouclet : « Quand on nous a présenté le grand projet de rénovation et ces travaux de thèmes de muséographie permanents ou temporaires, on a dessiné une charte olfactive pour essayer de sortir de la simple mer. »

Cette question commune au sein de l’équipe de « Studio Magique » : « Qu’est-ce qui allait englober toute l’identité olfactive du musée ? On a réparti des thèmes et on y a mis des ingrédients. Le commerce ? Les épices, la torréfaction, les fruits et légumes. Jules Vernes ? Des mousses humides, des cavités souterraines, des poissons perdus dans les fonds marins. Ça nous a ouvert l’esprit. »

L’équipe a exploré trois pistes (mer, nature, émotion) et soumis plusieurs idées pour chacune. « Pour la première celle d’être en pleine mer, donc un parfum iodé, ozonique, salin, raconte Philae Rollet-Bouclet. Pour la deuxième celle d’être à la proue d’un bateau, sentir l’écume, les embruns, les notes boisées de la coque, avec notamment du patchouli, un produit qui a lui-même une histoire maritime. Et pour la troisième, celle encore plus musquée, plaisir, solaire, peau salée, retour de plage. »

 
 
Le musée national de la Marine, à Paris, a rouvert ses portes le 17 novembre dernier. | PHILIPPE RENAULT / OUEST-FRANCE

Pour ne pas faire fausse route, Véronique Paintrand a organisé des consultations : « On a questionné l’équipage du musée national de la Marine sur les trois fragrances. En parallèle de cela, on a constitué des comités d’usagers avec des panels représentatifs de nos publics, puis on a organisé des journées de tests. » Le choix a été fait d’orienter le travail vers la pleine mer, la pureté, le vent, l’écume. « On voulait une note universelle, donc cette piste a semblé la plus évidente. Cela devait être intemporel, infini », dit Mazen Nasri.

Calone, absolue d’algues vertes et Ambrox Super

Comme en cuisine, il fallait des ingrédients. « La mer, c’est plein de notes, dit Philae Rollet-Bouclet. On a eu un premier rendez-vous avec DSM Firmenich (géant de la nutrition, de la santé et de la beauté), le directeur et les équipes du musée. On est allé sentir les matières premières naturelles et synthétiques, on en a déduit des affinités. » Exemples : « La calone ; l’absolue d’algue verte, qui vient de Bretagne, puissante, animale, chaleureuse ; l’Ambrox Super, cette molécule renouvelable et biodégradable qui recrée l’odeur de l’ambre gris avec quelques notes charnelles, iodées. »

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Nathalie Lorson, maîtresse parfumeuse (plus de 300 créations dont Black Opium d’YSL) a travaillé à l’élaboration de la signature olfactive du musée national de la Marine. | FRANCK JUERY/DSM FIRMENICH

L’équipe a travaillé là-bas avec un nez, Nathalie Lorson, maîtresse parfumeuse (plus de 300 créations dont Black Opium d’YSL), et un sens écologique aiguisé. Valérie Paintraind : « Le cadre était strict de ce point de vue. On a travaillé avec des éléments naturels ou issus de la chimie verte. On voulait être le plus « propre » possible sur la conception. On a supprimé toutes les bases d’alcool du parfum. S’il tombait à la mer, il ne polluerait pas. » C’est assez rare : 20 % de la formule est composée d’ingrédients upcyclés.

Les Vues des ports de France, de Joseph Vernet, sont exposées au musée national de la Marine, au Palais de Chaillot. | PHILIPPE RENAULT / OUEST-FRANCE

« On est ainsi arrivé à Sillage de mer, dit Philae Rollet-Bouclet. Il est iodé, ozonique, musqué, aventureux. Il est universel. Le sentir, c’est être en mer. » L’émotion fantasmée au départ par Véronique Paintrand est bien là. Mazen Nasri : « La note est reconnaissable et mémorable, unique. On s’est imposé un curseur, à mi-chemin entre une senteur/parfum d’ambiance et une odeur. Cette signature n’est pas un parfum d’ambiance, ce n’est pas non plus une odeur trop brute. On est à mi-chemin. C’est très innovant. »

Flacon, céramique et cartes postales

À l’entrée du musée national de la Marine, six diffuseurs cachés dans le mobilier plongent les visiteurs dans cette expérience unique grâce à un système d’air pulsé et de micronébulisation. Plusieurs tests ont permis d’ajuster le curseur de l’intensité car il ne s’agissait pas d’incommoder qui que ce soit.

Deux produits dérivés ont été créés pour l’occasion, dont ce coffret enfermant un flacon et une céramique à parfumer sur laquelle on pose quelques gouttes pour vingt-quatre heures de diffusion. | CHUCK REYES

Deux produits dérivés (disponibles à la boutique du musée), ont aussi été créés pour l’occasion : des cartes postales sur lesquelles le parfum est encapsulé, on frotte, et il se libère. Mais aussi ce coffret enfermant un flacon et une céramique à parfumer sur laquelle on pose quelques gouttes pour vingt-quatre heures de diffusion. La pleine mer comme si on y était.

Source: Ouest france