Dans cette optique, bon nombre d’entreprises du secteur ont lancé d’une seule voix un signal d’alarme aux gouvernements représentés. Dans une déclaration commune, 105 acteurs de l’industrie offshore européenne et 21 fédérations sectorielles, des dragueurs aux développeurs en passant par les constructeurs de turbines, ont appelé les décideurs politiques à lever les obstacles se dressant sur la route des objectifs (très) ambitieux aujourd’hui annoncés.
Concrètement, les industriels demandent que des « investissements à grande échelle » soient réalisés afin de bâtir l’infrastructure nécessaire. « Il faut supprimer les goulots d’étranglement dans la production des fondations, des câbles, des transformateurs et des appareils de commutation ainsi que la disponibilité limitée des navires d’installation et autres« , lit-on dans la déclaration.
Des moyens, donc, mais aussi du personnel. « Le nombre de personnes actives dans le secteur de l’éolien offshore en Europe doit passer de 80.000 aujourd’hui à 250.000 en 2030. Et il est déjà compliqué de recruter à l’heure actuelle », précise le secteur. En outre, les entreprises appellent les États à coordonner leurs politiques réglementaires et les modèles de subsides nécessaires à l’émergence de nouveaux parcs. Une fois encore, une approche standardisée semble s’exiger, tant la concurrence exercée par l’Asie et l’Amérique du Nord – les deux autres grands marchés en devenir de l’éolien en mer – est importante. Et les acteurs limités.
L’île énergétique belge, mascotte du sommet
Comme exemple de réalisation concrète – et mascotte de l’événement – la Belgique a eu le loisir de présenter son projet d’île énergétique « Princesse Elisabeth » aux dignitaires étrangers. Censée servir de point de raccordement entre les éoliennes en mer de la deuxième zone éolienne offshore du pays (dont la capacité oscillera entre 3,1 et 3,5 GW) et le réseau terrestre à haute tension, tout en jouant un rôle de plaque tournante énergétique avec les interconnexions futures (Nautilus avec le Royaume-Uni et Triton Link avec le Danemark ), l’île est à la fois une démonstration de l’expertise technologique du pays et des obstacles se dressant sur la route des ambitions du groupe des neuf.
Malgré son statut de prouesse technologique, l’île belge – qui sera construite par Deme et Jan De Nul – se frotte déjà au problème de la flambée des matériaux et son coût estimé est passé de 450 à « plus de 600 millions d’euros ». Et puis, il y a la question des délais, elle aussi dépendante de la disponibilité des ressources, de l’obtention de permis, des procédures de mises aux enchères des concessions et de l’aboutissement des projets d’infrastructure terrestres (Ventilus, Boucle du Hainaut), nécessaires au transport de l’électricité produite à l’intérieur des terres.
Si tout se passe bien, l’île sera raccordée à pleine capacité en 2030. Mais dans le secteur, les retards ne sont pas rares, tant en Belgique qu’ailleurs. Si on y ajoute les lourdes pertes essuyées par les producteurs de turbines dernièrement – et donc la question de la rentabilité – on comprend que bâtir un marché européen attractif de l’éolien en mer suffisamment rapidement pour atteindre les objectifs d’Ostende ne sera pas un parcours de santé.
« Nous ne devons pas reproduire l’erreur du photovoltaïque. Pour atteindre nos objectifs, nous devons nous reposer sur l’expertise européenne et renforcer les industriels européens », a d’ailleurs souligné Emmanuel Macron, insistant sur la nécessité de bâtir une filière européenne indépendante. Le « made in Europe » sera donc une autre condition de cette étape clé de la transition énergétique. Un autre défi de taille.
Source: L’Echo