Fruit d’un véritable cataclysme, le remplissage de la Méditerranée est aujourd’hui attesté par des preuves très concrètes sur le terrain.
Un cataclysme a-t-il permis à la Méditerranée de se former? L’hypothèse circulait déjà au sein de la communauté scientifique mais elle vient d’être confirmée par un groupe de chercheurs mené par un doctorant de l’université d’Utrecht, Gijs van Dijk. Car oui, il y a 5,3 millions d’années, cette mer qui émerveille aujourd’hui les touristes n’existait tout simplement pas. Il était possible de passer à pied de l’Europe à l’Afrique sans problème, les deux continents ne faisant qu’un à l’époque. Puis arrive ce fameux événement, au tout début du Pliocène, où une inondation absolument titanesque a rempli ce bassin en l’espace de quelques années.
La fin brutale de la « crise de salinité messinienne »
Comme l’explique Gijs van Dijk en Flandre à Radio 1, avant cet événement, « selon les théories actuelles, la mer Méditerranée ressemblait à un patchwork de petits lacs salés, qui ressemblent à la Mer Morte, et le niveau de la mer était alors beaucoup plus bas que l’océan Atlantique« . Le détroit de Gibraltar s’était en effet fermé il y a six millions d’années. « En conséquence, l’eau s’est évaporée et n’a pas pu être reconstituée à partir de l’Atlantique« . Cet épisode géologique long d’environ 630.000 ans est aujourd’hui connu sous le nom de « crise de salinité messinienne ».
Carte de la Méditerranée durant la période de « crise de salinité messinienne » ©Étude dans le Wiley Online Library, après modifications depuis Attenborough (1987)
Évidemment, on sait que depuis, la mer Méditerranée s’est reformée. La question était de savoir exactement comment cela s’est produit. C’est pour cela que les géologues néerlandais ont cherché des preuves d’une inondation XXL, afin de vérifier si cette hypothèse pouvait être confirmée sur le terrain. Ils sont ainsi partis sur la côte sud de la Sicile, du côté d’Eraclea Minoa et du cap Rossello (non loin de la réputée paroi rocheuse blanche de la Scala dei Turchi), où ils ont analysé plusieurs couches de sédiments.
La Sicile, témoin privilégié de ce cataclysme
Pour la période qui les intéressait, ils ont constaté la présence d’une couche de sel, ce qui indique l’existence d’une période « sèche » de la Méditerranée, puis au-dessus de celle-ci une couche de sable. « En regardant de près, nous avons pu déterminer le sens de l’écoulement de l’eau. Nous avons découvert que l’eau devait couler d’ouest en est, et non du nord au sud depuis les montagnes. Cela ne peut s’expliquer que par le déluge qui s’est produit à ce moment précis« .
Ce sens d’écoulement est d’autant plus marqué que la Sicile se trouvait à une position stratégique à cette époque-là. L’eau aurait d’abord rempli la partie ouest de la Méditerranée, avant de se déverser dans un deuxième bassin qui représente aujourd’hui la partie orientale de la mer que l’on connaît aujourd’hui. Entre les deux, on trouve la zone au large de la côte sud de la Sicile, qui aurait ainsi vu des trombes d’eau passer d’un côté à l’autre en un temps record.
Autre preuve soutenant leur hypothèse: les géologues ont retrouvé des minéraux qui n’existaient pas dans cette région auparavant. « Nous voyons également que la couche de sel, qui s’est formée plus tôt par la période sèche, a été déformée. Cela est probablement dû à l’élévation brutale du niveau de la mer« , précise Gijs van Dijk.
Un remplissage de la Méditerranée en quelques années
Au vu de toutes ces données, il apparaissait de plus en plus clairement que la théorie de l’inondation était parfaitement adaptée pour expliquer ces phénomènes. Selon les modèles des chercheurs, l’eau serait ainsi montée de dix mètres par jour et d’environ deux kilomètres en quelques années. Voilà donc comment la Méditerranée se serait formée en l’espace d’un rien de temps. Cela voudrait dire que des quantités phénoménales d’eau auraient dévalé depuis le détroit de Gibraltar pour remplir cette immense cuvette que représente la Méditerranée.
« Pour la première fois, des preuves sur le terrain sont fournies pour une inondation messinienne« , se réjouissent les chercheurs qui n’en ont toutefois pas terminé avec leur sujet. « Avec un tel problème géologique, le défi est que vous travaillez avec un petit ensemble de données. Nous ne disposons en fait que de quelques pièces du puzzle. Maintenant, nous disposons d’une autre pièce, ce qui rend l’image un peu plus complète« , conclut Gijs van Dijk.
Source: moustique