«Un jour, le Titanic va s’effondrer» : cette entreprise extrait les vestiges à 3 800 m de profondeur
14 avril 2023
14 avril 2023
La RMS Titanic Inc. est la seule entreprise autorisée à extraire des objets du champ de débris du « Titanic », dont l’épave gît à quelque 3 800 m de profondeur, au milieu de l’océan Atlantique. Depuis 1987, environ 5 500 vestiges ont ainsi ressurgi des fonds marins grâce aux expéditions menées par l’entreprise.
Jessica Sanders est la présidente de l’entreprise américaine RMS Titanic Inc. depuis avril 2021. Grâce à un partenariat renouvelé avec la Cité de la mer pour dix ans, en décembre 2022, le public français peut découvrir 43 nouveaux objets et les histoires qui leur sont associées à Cherbourg, au sein de l’exposition événement Objets perdus, histoires retrouvées.
Dans cet entretien (traduit de l’anglais), l’Américaine Jessica Sanders explique comment son entreprise et la Cité de la mer travaillent ensemble, et raconte la genèse de cette exposition.
Nous sommes la seule entreprise autorisée à prélever des objets du champ de débris du Titanic. L’épave a été découverte en 1985. Nous avons mené notre première expédition en 1987, qui a été suivie de sept autres. Nous avons créé la seule carte existante de l’épave, en utilisant de l’imagerie optique et acoustique.
Rien n’est encore annoncé, mais on s’y prépare.
Les scientifiques ne sont pas d’accord sur la vitesse de la dégradation. Un jour, le Titanic va s’effondrer. C’est ce qu’il se passe actuellement : les ponts s’effondrent les uns sur les autres. Il y aura des restes, mais chaque année qui passe, on perd un peu plus l’accès à l’intérieur de l’épave. Est-ce qu’elle disparaîtra dans cinquante, cent, deux cents ans ? Je laisse les scientifiques en débattre !
À chaque expédition, on ne sait pas ce qu’on va trouver. On mesure à chaque fois les niveaux de dégradation, et on utilise ce que l’on apprend sur le Titanic pour s’informer sur d’autres épaves.
C’est un long processus. Notre équipe de conservateurs et celle de la Cité de la mer travaillent en premier lieu à partir d’histoires, puis notre équipe choisit les vestiges qui viennent en support de celles-ci. La beauté du processus, c’est que la Cité de la mer a des ressources que nous n’avons pas, et inversement. Ensemble, nous racontons de meilleures histoires.
Absolument. La mission de notre entreprise est de préserver l’héritage du Titanic : le voyage, le naufrage, la mémoire des passagers et de l’équipage… On extrait des artefacts pour raconter les histoires de ceux qui ont tragiquement perdu la vie, mais aussi des survivants. Ce que montre cette exposition, c’est ce qui nous rattache à notre humanité.
C’est une question difficile car j’en apprends de nouvelles constamment. Il y a plusieurs histoires où un mari doit mettre sa femme sur un canot de sauvetage, et sa femme ne veut pas y aller, ou n’y va pas. Ce moment où l’on doit prendre cette décision de vivre, de mourir, ou d’abandonner un être cher, est probablement la plus difficile et la plus touchante pour moi.
Il y a tant dans cette histoire. Peu importe qui vous êtes, vous pouvez trouver quelque chose qui vous touche : on peut s’intéresser à la manière dont le bateau a été construit, à l’ingénierie ; à l’équipage, à la manière dont ils ont fait marcher cet hôtel flottant ; aux émigrants qui voyageaient en troisième classe pour commencer une nouvelle vie en Amérique…
On peut aussi se rattacher à une histoire d’amour, ou à l’héroïsme de certains, comme celui d’une femme qui se sacrifie pour laisser sa place sur un canot à une mère. Si vous êtes un scientifique, vous serez intéressé par l’océanographie, la découverte du site de l’épave… Tout le monde peut trouver un aspect qui les touche directement.