L’Etat dispose de six mois pour mettre fin à l’hécatombe des dauphins en France
24 mars 2023
24 mars 2023
Alors qu’un deuxième épisode intense de mortalité de dauphins a été signalé lundi 20 mars, portant le bilan des échouages à plus de 900 depuis le début de l’hiver, le Conseil d’Etat a ordonné au gouvernement de fermer certaines zones de pêche dans le golfe de Gascogne dans les six prochains mois, afin d’assurer la conservation des dauphins dans la région.
L’arrêt clôture une action en justice lancée, en 2021, par France Nature Environnement (FNE), Sea Shepherd France et l’association Défense des milieux aquatiques. Dans la soirée, de nombreux organismes travaillant sur la protection des petits cétacés ont salué cette décision historique, tandis que le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) a exprimé sa « stupeur » et son « incompréhension », s’interrogeant sur la « cohérence des propositions établies ». Olivier Le Nézet, président du CNPMEM, a demandé de rencontrer en urgence Hervé Berville, le secrétaire d’Etat chargé de la mer.
La satisfaction des associations a été de courte durée, car, mardi 21 mars, le secrétariat d’Etat chargé de la mer a publié un communiqué mentionnant avoir « pris acte du jugement » et envisageant, seulement, de « renforcer les dispositifs » pris auparavant, tels que la déclaration des captures par les pêcheurs et l’installation d’émetteurs de dissuasion acoustique (appelés « pingers ») et de caméras, sur une partie des flottes.
Malgré le jugement et les recommandations des scientifiques, comme celles figurant dans de nombreux rapports du Conseil international pour l’exploration de la mer, le secrétariat n’a pas fait mention de fermetures spatio-temporelles. Or, sans cette mesure, les pingers ne permettent pas de garantir un état de conservation favorable des espèces, souligne le Conseil d’Etat dans sa décision, dont le dauphin et le marsouin communs, menacés d’un « danger sérieux d’extinction, au moins régionalement ».
De plus, le secrétariat d’Etat chargé de la mer ne semble ne pas vouloir se conformer à l’échéance fixée, le communiqué évoquant « une mise en œuvre (…) à l’hiver [2023-2024] ». Les juristes de FNE et Sea Shepherd retourneront devant le juge administratif dans l’optique d’engager une procédure d’exécution si les fermetures ne sont pas appliquées d’ici à la fin septembre.
« C’est totalement décalé par rapport à la réponse que nous attendions du gouvernement », s’insurge Elodie Martinie-Cousty, membre du réseau « océans, mers et littoraux » à FNE. Elle dénonce le non-respect des engagements pris par la France dans le cadre de la stratégie européenne en faveur de la biodiversité et rappelle que le pays est l’un « des plus mauvais élèves de l’Union européenne » en matière d’application de la politique commune des pêches. La Commission européenne avait déjà adressé au gouvernement une mise en demeure et un avis motivé au sujet de la protection des dauphins.
Mme Martinie-Cousty rappelle également que les fermetures de zones de pêche et l’accompagnement des pêcheurs pour une activité durable sont l’objet, depuis quatre ans, d’un groupe de travail national, mis en place par le gouvernement pour réduire les « captures accidentelles » des petits cétacés. Celui-ci regroupe toutes les parties prenantes, y compris les pêcheurs. « Le gouvernement a menti aux pêcheurs en leur promettant qu’il n’y aurait jamais de fermetures », souligne-t-elle.
Pour s’assurer de la mise en place des mesures ordonnées, les associations s’apprêtent déjà à enclencher de nouvelles procédures. D’après Marion Crecent, avocate de Sea Shepherd France, un recours indemnitaire contre l’Etat devait être déposé, mercredi 22, pour engager la responsabilité de celui-ci dans la protection des mammifères marins et obtenir la réparation des préjudices écologiques survenus.